Les promesses tenues du sourire de Richard Bona : Impressions subjectives sur le concert du 25 juillet à Vincennes 29 juillet
Dimanche 25 juillet, Richard Bona s’est produit au parc floral de Vincennes, lieu où semble-t-il il revient tous les ans ou presque, en été. Ceci explique peut-être l’impression de décontraction et d’aisance qu’il dégagera tout au long de sa prestation.
Il est plus de 16h30 quand Richard Bona arrive sur la grande scène du parc floral. Le public qui l’attend est fébrile. Autour de moi des personnes de tous âges et phénotypes sont dans une attente à la fois fiévreuse et souriante. La musique de Richard Bona a suffisamment d’amplitude pour toucher des personnes de toute origine culturelle ou sociale.
Ses albums sont des promesses et justifient que la foule soit nombreuse pour communier au son de sa bass et à la beauté de sa voix.
Mais pour moi il y a une autre promesse que j’espère qu’il tiendra. Je l’ai vu en concert au New Morning et si son talent y a été incontestable, sa bass majestueuse et sa voix quelquefois angélique, Richard Bona n’avait pas tenu les promesses de son sourire.
Quoi les promesses d’un sourire ? Je vous entends d’ici vous interroger sur la lucidité de celle qui écrit cette chronique. Repliez vous suspicions je suis aussi normale que n’importe quel humain vivant dans la folie de notre siècle (hihi !).
Avez-vous déjà regardé le sourire de cet homme ? Il est chaleureux, enfantin , communicatif, malicieux, bref il est magnifique. Il semble vous parler d’un homme chaleureux. Sur scène son sourire semble vous dire qu’il est avec vous et que vous êtes en phase, cheminant ensemble au gré des notes de musique. Imaginez les attentes générées par les promesses d’un sourire ! Oui j’ai un rapport totalement subjectif à la musique et je l’envisage comme un tout dans lequel le musicien ne saurait être antithétique de sa musique dans mon esprit. L’auteur de Souleymane me rencontrerait-il ?
Si le concert au New Morning avait été acoustiquement formidable, il m’y avait manqué la communion, la complicité, le dialogue, de fait ce qui pour moi est essentiel. J’avais lu des promesses dans son sourire et j’attendais de lui davantage que de la virtuosité. Quand on l’écoute cette dernière est une évidence.
Il est possible que ce soir là ait été un soir au cours duquel il n’était pas totalement avec nous. Sa maestria était là, sa bass résonnait avec majesté, sa voix offrait ces surprenantes envolée qui sont sa signature, mais lui je n’avais pas eu l’impression de l’avoir rencontré. J’ai quitté le concert avec un sentiment d’inachevé. Il manquait le moment magique au cours duquel soudain, l’on est ensemble, comme si les âmes se rencontraient sur une note, un rythme, un accord.
Quand j’assiste à un concert, j’aime l’idée d’y aller pour un échange, un dialogue avec l’artiste qui se produit. J’aime l’idée que la fragilité du direct enfantera des moments qui feront que les individualités sur scène et dans l’auditoire se fondront dans un nous qui rendra chaque note de musique plus vivante, plus enveloppante et le concert plus jouissif. Quand le jeu de scène m’apparaît comme un monologue, il n’ajoute pas grand-chose au plaisir procuré par l’écoute d’un CD.
Cette après-midi de juillet, Richard Bona sera en phase avec son public, mieux encore il nous donnera l’impression à chacun de nous peut-être d’être dans un dialogue personnel avec lui. Cela ne s’explique pas, ça appartient à la grâce de la musique, de l’art. Quand un artiste réussit cela c’est beau, c’est inoubliable, ça s’inscrit en nous.
Revenons à Richard Bona à Vincennes. Il succède à Sandra Nkake que malheureusement je n’aurais pu qu’entendre sur la fin sans la voir. Immense est ma frustration. Pour l’avoir déjà vue sur scène, je sais avoir manqué quelque chose. Sandra Nkake, a une voix exceptionnelle ajoute une présence scénique impressionnante. Elle occupe l’espace par sa voix, par sa gestuelle, par son humour. Elle est brillante, pertinente et pleine d’esprit. Ne pouvoir l’entendre que de loin frise la torture. A l’avenir je saurais que pour assister à un concert à 15heures en ce lieu, il faut y être au plus tard à 14h, … la veille !
Sur la scène, ses musiciens le précèdent. C’est un groupe cosmopolite à l’image de la musique de Bona qui absorbe des influences de divers continents. Richard Bona les présentera plus tard avec humour en nous invitant dans leur car aux heures de la coupe du monde football. Moment hilarant s’il en fut.
Le batteur vient de Cuba. Cet homme a quelquefois durant le concert donné l’impression d’avoir de multiples bras alors qu’il se déchainait sur scène. Le pianiste vient de Hollande (origine Surinam), le percussionniste du Brésil, le trompettiste des USA et le guitariste de Guadeloupe.
Alors qu’ils s’installent, la fièvre monte dans le public. Carré VIP ou pas, la musique est reine et nous sommes de volontaires sujets le temps d’une après-midi.
Le bassiste arrive sur scène vêtu d’un confortable ensemble blanc et des baskets aux couleurs du Cameroun, comme pour rappeler que l’on emporte toujours ce pays en soi où que l’on aille. Dès son entrée en scène, il est chez lui. Souriant, confiant il entame le premier morceau. Il n y a pas de phase qui sert à apprivoiser le public. Celui qui est là, est déjà conquis. Je suis préparée à profiter de l’instant quand bien même l’échange que j’espère n’aurait pas totalement lieu.
Je n’ai pas la prétention de raconter le concert de manière exhaustive mais juste des moments qui m’ont touchée, marquée, impressionnée.
Est-ce parce qu’il nous a présenté sa maman dans le public que son « Mbemb’a mama » (les larmes de ma mère) me touche particulièrement malgré l’humour avec lequel il présente la chanson ? Voir cette petite dame le visage radieux qui sourit au public en le saluant est émouvant. Le rapport à la figure maternelle trouve en chacun diverses résonances ce soir là à Vincennes la chanson et le visage illuminé de cette maman rencontrent les miennes. Écouter la chanson et l’entendre coule de source.
Quand il entame « Shiva Mantra » composé ô surprise en Inde (^_^), le bassiste amorce un étrange mouvement de la main droite comme si elles étaient habitées par la figure de Shiva. Le mouvement de ses mains appelle une attente de virtuosité qui sera largement tenue et soutenue par des musiciens inspirés, notamment le trompettiste et le percussionniste grâce auxquels l’ailleurs s’installe au milieu de nous. L’Inde est là avec ses représentations forgées entre autres par Bollywood.
La densité de l’intro de « O sen sen » me fait regretter d’être dans le carré VIP juste derrière l’ambassadeur du Cameroun et son épouse. Le syndrome de la contorsion contrariée me reprend. Il est des musiques qui appellent naturellement des réponses corporelles inappropriées au milieu des VIP. Ils restent assis les bougres. Obligée de faire comme eux. Au premier rang un enfant de sept ans peut-être n’est pas tenu par de telles contraintes. Il danse avec frénésie et sans le savoir me venge.
Richard Bona profitera de cette chanson pour inviter des choristes exceptionnels : nous !
Les hommes et les femmes rivaliseront de virtuosité pour affirmer leur présence et épater le musicien. L’homme sur scène dévoilera un humour étrange comme il demandera aux femmes de plus de quarante ans de chanter. Mais quelle idée ! Puis suivront les femmes de plus de cinquante, etc. Heureusement que j’ai vingt ans pour la durée des temps. Pfttt !!! Si vous aviez vu l’air malicieux du monsieur ! Mais quel coquin. Le public hilare était conquis. Si vous croisez monsieur Bona, dites lui qu’au-delà de vingt ans, une femme n’a plus d’âge voyons.
Sur « Jombwe », l’homme livrera un solo de bass de toute beauté et tout en subtilité. Ce moment l’inclinera à clore les yeux comme pour un dialogue avec la musique dans lequel il s’isolerait. Un beau moment. Puis vient le moment au cours duquel il défie de sa bass chacun des musiciens ces derniers ne se laissant pas intimider. Chaque musicien a l’occasion de dévoiler sa virtuosité.
Comment raconter le moment magnifique au cours duquel à l’aide d’une espèce de pédalier qui enregistre sa voix il se fait homme orchestre ? La voix de cet homme est un instrument dont il joue en virtuose.
A la fin du concert il conditionne sa prestation par le fait que tout le monde danse. Mais comment a-t-il su que ce n’était plus possible de rester assise ? Quand je dis que nous étions en phase, dans un dialogue, CQFD (hihi). Est-il besoin de vous dire que les bras, les jambes, la tête, le corps entier ne se sont pas fait prier pour se trémousser ? Autour de moi les VIP devaient être dans le même état d’urgence. Un moment superbe. Trop court forcément.
A la fin du concert, après une fausse sortie, il entame « Eyala », un bijou mélodique et harmonique. La voix du chanteur s’ouvre, s’amplifie, s’élargit, c’est un moment magnifique. Les notes semblent s’attarder dans sa voix comme pour retenir l’instant, ralentir le temps, maintenir encore un peu la magie d’une après midi ensoleillée parée par une musique merveilleuse.
Richard Bona et ses musiciens nous ont offert un joli moment de complicité, de beauté, de musique, de détente, de vie. Un de ces moments au cours desquels le temps, pris dans l’écrin précieux qu’est la musique, semble suspendre son vol. Quand des musiciens vous offrent cela leur mission est accomplie. J’espère qu’en retour nous le public leur aurons offert un beau moment accomplissant en retour notre mission.
Richard Bona m’a touchée parce qu’il aura été avec son public, en phase avec lui, heureux de ce que l’auditoire lui offrait le recevant avec délectation mais sans arrogance. Il a tenu les promesses annoncées par son magnifique sourire.
Ce soir là à Vincennes j’ai sans surprise rencontré le virtuose attendu mais, j’ai de surcroît l’impression que l’homme annoncé par la fenêtre de son sourire s’est laissé dévoiler, rencontrer, au moins en partie. Cet homme c’est un peu de Richard Bona dans sa vérité. L’homme que j’ai vu sur scène avait l’élégance, l’ouverture, la malice et la simplicité promises dans son sourire. C’est le Richard Bona que j’attendais. Merci monsieur d’être venu.
Patrick BEBEY en concert le 10 Mars au Zèbre de Belleville 21 février
L’Album est superbe. Patrick est un défricheur de son absolument extraordinaire et le voir sur scène est un bonheur. Simplicité, humour, convivialité, et décontraction accompagnent la beauté de sa musique.
Patrick nous offrira aussi des titres de son prochain album. J’ai hâte de les découvrir !
Les franciliens ont la possibilité de rencontrer cet univers musical à Paris :
LE 10 MARS au ZEBRE DE BELLEVILLE
à 20H30
Metro : Belleville ou Couronnes
Prix des places : 13€ ou 15€ (selon que l’on ait réservé ou pas).
Réservations : reservation.sinaperformance@gmail.com
(En précisant votre nom et le nombre de billets que vous souhaitez réserver. Le paiement se fera en caisse le jour du concert et chaque billet vous coûtera 13€)
Pour ceux qui n’auront pas réservé le prix de la place sera de 15€
Patrick Bebey sera accompagné sur scène de :
Luiz Augusto Cavani : batterie
Moussa Sissokho : percussions
Marc Bertaux : basse
Merci de faire passer l’information
Kaissa : to nje 14 juillet
Au coeur de l’album de Kaissa que j’aime beaucoup il y a cette chanson qui est ma préférée, celle qui me touche le plus, et qui me rencontre.
Dans nos métissages de position et de construction, il y a une constante la quête de racines, de refuges, de lieux de mémoires qui nous rappellent qui nous sommes.
Des endroits dans lesquels le retour par la mémoire aide à aller de l’avant.
Je trouve qu’elle le rend bien, qu’elle ME le rend bien.
C’est une chanson qui habite mes altérités et que ma distance à ma terre investit.
J’aime qu’une chanson offre un « je » suffisamment ample pour inviter mes propres « je ».
« Où que j’aille je cherche mon chez moi, le pays qui m’a vu naître »
Kaissa chante ce pays intérieur que portent les migrants, pays magnifié par la nostalgie, mais refuge dans les secousses de l’ailleurs.
N’oublie pas dit-elle, n’oublie pas fils de ma terre, la terre qui t’a donné la vie.
Elle chante la nostalgie de sa terre promettant d’y revenir un jour. Mélopée d’espérance du migrant.
Quête perpétuelle de celui qui est ailleurs, qui est d’ailleurs, qui est changé dans l’ailleurs tandis que sa terre change.
Il reste la terre intérieure, refuge matriciel.
« To weni na mala no na ma wasa mboa » Où que j’aille je cherche mon « chez moi »
Le chant débute par une image qui me rencontre, le son de la pluie sur le toit familial que j’emporte partout et toujours.
Chant de la pluie, mélodie matrice.
Ecoutez la guitare en introduction. Elle est matrice comme les musiques qui habitent les enfances vécues du côté de Douala en ce temps là.
La musique seconde peau de ma mémoire.
Elle vous enveloppe comme le sein d’une mère.
Merci Kaissa de m’offrir toutes ces choses en une chanson.
Avis de réchauffement climatique à Dunkerque: 3 jours au Jazz Club avec Etienne Mbappe & Su la take 12 octobre
« Des sonorités neuves, inédites, délicieusement rafraîchissantes sur l’horizon caniculaire de l’Afrique musicale … voilà l’Etienne MBAPPÉ 2008 ! «
Valère EPEE
« Entre tradition et pop musique, entre jazz et funk, entre amour et mélancolie … », Etienne nous fait voyager avec un immense bonheur. Magnifique ! »
Cela fait quelques semaines que les pull-over sont sortis des armoires et que des manteaux plus ou moins épais font escale au pressing en prévision des frimas de l’hiver. Farrewell summer…
Les jupes se rallongent et les jambes se vêtent de collants et les décolletés estivaux laissent la place à des cols roulés et autres pull. Les regards égrillards de l’été se font moins vifs. L’hiver arrive et la morosité aussi. Avez vous remarqué que l’automne venu les visages s’allongent et les sourires s’estompent tout au moins à Paris ? Déjà que dans certaines contrées le sourire s’offre avec parcimonie imaginez ces visages au coeur du froid et sous un ciel gris ! Ah le métro parisien et les mines façon cafetière…
Bref, voici qu’au coeur de l’automne, alors que le temps se rafraichit, un vent du Sud, un vent chaud, un vent qui s’est nourri des chaleurs africaines et qui fait résonner le coeur de l’Afrique partout où il souffle se propose de réchauffer la ville de Dunkerque. Ce vent a eu l’intelligence de se laisser enrichir de vents d’ailleurs. C’est la force et la richesse d’un artiste d’accueillir l’ailleurs sans se dénaturer. Auteur compositeur, bassiste d’exception et chanteur aux textes qui allient avec intelligence force et subtilité, Etienne Mbappe se pose pour trois jours à Dunkerque. Ses préoccupations d’homme et ses yeux ouverts sur son temps sont mis en musique, sa basse rythmant son coeur et ses états d’être. Ce vent unique que j’ai vu réchauffer pelouse et salle de concert se propose d’apporter une chaleur subtile au coeur de l’automne Dunkerquois. Oyez oyez lecteurs réguliers de ce blog ou visiteurs occasionnels habitant le nord de la France ou la Belgique. L’occasion vous est donnée de profiter d’un de ces moments durant lequel le temps suspend son vol et durant lequel la musique vous conduit dans un de ces ailleurs qui vous réchauffe le coeur tandis que vous vous laissez happer dans l’univers offert par l’artiste.
Ceux qui sont des visiteurs réguliers de ce blog ont entendu bien des fois parler de mes impressions « subobjectives » sur l’univers musical de ce monsieur. Oui Minipoucine ça ne s’arrange pas !!!!
Si vous n’êtes pas loin de Dunkerque, l’occasion vous est offerte de vous faire une opinion et de venir nous la partager. On ne me fera pas le reproche de faire dans le parisianisme primaire.
En toute subobjectivité je peux vous garantir que vous ne serez pas déçus du voyage, foi de moi.
Demandez le programme !
Les Jeudi 16, Vendredi 17, & Samedi 18 octobre 2008
à 20h45
au Jazz Club de Dunkerque
En plus des concerts bande de veinards il y a aussi :
- Vendredi 17 octobre à 15 h : Concert « Jeune Public » :
Etienne MBAPPÉ et « Su La Také » et les élèves de l’Ecole Jean Jaurès de Saint-Pol-sur-Mer (ah les veinards) - Samedi 18 octobre à 15 h : Atelier de Formation :
Etienne MBAPPÉ et PYARTO
Les tarifs vont du jazz club de Dunkerque vont de 7 à 14€ selon que vous êtes ou non adhérents au Jazz Dunkerque.
Pour de plus amples informations : jazzdunkerque@wanadoo.fr ou Tel : 03. 28. 63.51.00
En attendant je vous laisse écouter ceci :
Ismael Lo : Tajabone un coup de coeur qui ne se ride pas. 4 octobre
C’était il y a des années. C’était avant les ridules autour de mes yeux et avant le voile neigeux qui ça et là parsème ma chevelure jais. Ah le temps court plus vite que ma mémoire. Parfois ma mémoire dit hier tandis que le temps dit « il y a un an, cinq ans, dix ans ». Si seulement le temps était subjectif aussi pour ce qui concerne l’élasticité de la peau et les rides autour des yeux ! Heureusement pour moi j’ai reçu par naissance un botox naturel : le rire et la détermination à être heureuse quoiqu’il arrive, par delà les pointillés qui parsèment le parcours d’une vie.A force de plisser les yeux en riant on ne voit pas les détails (hi hi).
Bref il y a quelques années, pendant une année universaitaire peu chargée, pour me faire quelques sous j’avais postulé pour une vacation aux impôts. Nombreux étudiants et jeunes le faisaient en ce temps. Je me suis retrouvée pour un mois renouvelable au centre d’impôts des non résidents de Paris. C’était le centre d’impôts dans lequel se trouvaient les déclarations d’impôts des personnes résidant à l’étranger. C’était une drôle de sensation de se retrouver face à la liste des biens de tel acteur, tel musicien, tel fils ou fille de président africain.Leurs adresses étaient là, à la disposition d’une vacataire, heureusement pas psychopathe. Mon boulot était passionnant. Des heures durant je faisais la saisie informatique de ces documents au point de m’abimer les yeux. J‘avais sympathisé avec trois jeunes femmes contrôleuses et inspectrice des impôts et avec des collègues du pôle administratif. Tout se passait pour le mieux. La distribution tacite des rôles dans ce lieu était intéressante.Mais voici que comme dans les contes de fées de mon enfance il manquait la version locale de Cruella ou la fée Carabosse. Non que je prétende au rôle de princesse… quoique. (hi hi). La revisitation locale de Carabosse était la chef. Une dame blonde pas loin de la retraite, soignée et élégante. Après avoir prolongé mon contrat pour un mois, elle m’a prise en grippe. Je vous passe les détails au fond dérisoire de ses perfidies mais grâce à ces dernières j’ai fait un beau voyage. Ah le temps béni où je pouvais claquer ma paye sous un coup de tête ! Un jour qu’elle m’avait énervée, et tenté de m’humilier au mileiu des collègues, je lui ai répondu vertement devant ses subalternes que je ne lui permettais pas de me parler sur ce ton. D’un courage rétractable la boss avait foncé à reculons vers son bureau, bien décidée à ne pas m’autoriser à travailler un troisième mois. Quand elle me l’a annoncé ça m’a contrariée. Je voyais partir en fumée mon mois de smic en plus. Grhhh ! smic. En sortant du boulot j’étais énervée. Dans mon cerveau il y avait un connexion automatique. Grosse contrariété activait la case shopping. En face du centre des impôts y avait une agence de voyages et j’ai vu un billet pour Dakar. Dakar… Ca faisait quelque mois que mes deux frères y faisaient leurs études. Sans réfléchir je suis entrée dans l’agence et j’ai acheté mon billet sans me demander si j’obtiendrais un visa. J’ai découvert Dakar, j’ai versé des larmes à Gorée, la gorge serrée dans ce lieu dans lequel résonnent les cris de douleurs de ceux qui ont fait une traversée totalement involontaires et aux conséquences aujourd’hui encore tragiques. J’ai vu les inscriptions sur les murs, j’ai entendu résonner l’émotion de ceux qui venaient comme moi en pélérinage dans ce lieu. Le conservateur était un vieil homme très investi dans sa tache et parfois un peu cabotin. Et un soir, tajabone…
La chanson d’Ismaël Lo me rappelle mes deux séjours au Sénégal. Je me rappelle les porte des maisons non closes des voisins de mes frères. Il y avait à l’étage en dessous une famille originaire du Cap Vert qui ne cessait de m’inviter à me joindre à eux quand ils mangeaint.Je ne l’ai pas fait parce que je ne les connaissais pas. Mais combien de fois ai-je entendu des inconnus qui partageaient un repas en famille me héler en disant « viens faire comme nous ». Je me souviens des drôles de petits bus quel ‘on appelait alors « cars rapides ». Je me souviens que je détestais l’odeur de la « flag » bière locale. Même si la mémoire de ces séjours s’estompent la musique d’Ismael Lo ramènent ce que je garde de meilleur de ce séjour. Tout n’était pas parfait et ma mémoire a peut être idéalisé mon séjour. Si tel était le cas, ça m’irait de toutes les façons. Le Sénégal de ma mémoire a la subtilité de l’harmonica d’Ismael Lo et l’amplitude que donne à cette cette musique la voix et la guitare. J’aime ce chant. J’aime la mélodie lancinante qui me fait marcher sur une côte Dakaroise en contrebas de laquelle je peux voir des voitures qui roulent. Alors visiteurs occasionnels du blog et autres fidèles je m’autorise l’éventuelle discouroisie d’un tutoiement et vous dis « viens faire comme nous ! Laisse toi emporter par la musique d’Ismael Lo. »
Quand il doit Wou leij d’une manière quasi incantatoire ça me transporte. je ne peux me l’expliquer mais il se passe quelque chose qui est simplement beau. Je lui trouve une belle voix et il dégage une impression de sérénité et de grâce. Pour en savoir plus sur lui : http://musique.ados.fr/Ismael-Lo.html
Les paroles du chant suivent. Qui veut bien m’en donner la traduction ? Sérère, Toucouleur, et Peul qui vous posez ici faites oeuvre de salut public en traduisant ce chant pour moi, pour nous
http://www.dailymotion.com/video/k2bCFYGg1SKHTVCSGx
Ta…..tajabone de nuy tajabone
Ta…..tajabone de nuy tajabone
Abdu u iambaar gniari malaykala
Ch’awé étchiko daan si séroo
Muomu muhnilda degëm du lingaan
Muomu muhnila degëm woor nga-am
Ch’awé etchiko daanu si seroo
Muomu muhnida degem du lingaam
Muomu muhnida degem woor nga-am
Tajabone de nuy tajabone
Tajabone de nuy tajabone
Wou leij Wou leij
Wou leij Wou leij
Abdu jambaar gniari malaykala
chico woley juge daanu si sero
Muhnila degem du linga’n
Muhnila degem woor nga-am
http://www.dailymotion.com/video/k63eHnq2isuywclNVZ
Photo trouvée sur : http://yveslebelge.skynetblogs.be/post/4268154/ismael-lo
Le sourire de JayLou Ava: Impressions subjectives sur le concert à la bellevilloise 25 septembre
Il ya quelques mois j’ai eu le privilège d’assister à une soirée de toute beauté. JayLou Ava musicien de grande classe était en concert à paris. En première partie se produisait Blick Bassy dont je vous ai déjà parlé. Les deux chanteurs nous ont offert des momens enchanteurs. Ce concert a été l’occasion d’une « rencontre ». Une rencontre avec un musicien de grande classe qui allie humilité et talent. Après le concert l’impression d’avoir vécu une parenthèse enchantée vous accompagne. Hier, 23 septembre c’était l’anniversaire du musicien alors comment trouver un plus beau prétexte pour exhumer une chronique déjà ancienne et mettre en lumière sur mon blog un artiste qui de mon point de vue vaut largement la découverte.
J’ai eu par ailleurs lors de ce concert le privilège de rencontrer l’un des visiteurs réguliers du blog et je n’ai pas été déçue. La suite a prouvé que des amitiés nées dans le monde virtuel peuvent offrir de belles choses. Il se reconnaîtra.
Amitiés
Le quartier de Belleville, le mardi deux avril il est environ vingt et une heures trente et impossible de se garer. Pourquoi s’entêter à tourner en rond dans le quartier alors qu’il est évident que se garer relève de la gageure. Je ne conduis pas. Je peux m’autoriser quelque contrariété sans mettre en danger qui que ce soit. Mais solidarité avec le conducteur oblige, je dois réfréner les agacements qui menacent de se convertir énervement. Dans mon imaginaire j’entends les musiques de Jay Lou Ava et de Blick Bassy. J’imagine l’ambiance du concert que je manque à quelques encablures de la Bellevilloise salle de concert devenant objet de mes convoitises obsessionnelles. Est-il possible que je manque le concert de ces deux messieurs que je suis venue découvrir sur scène ? Il y a Jay Lou Ava dont je connaissais l’existence mais qui ne m’avait pas encore arrêtée sur le chemin de mes pérégrinations musicales jusqu’au jour où, au détour d’un hasard j’ai entendu sa guitare sublimer un « My way » entendu dans des versions multiples. La virtuosité, les harmonies, la redécouverte de cette mélodie m’ont donné envie d’aller à la rencontre de son univers. Puis son « Mot’a benama » a mis ma mémoire en mode nostalgie me rappelant les odeurs, les parfums d’enfance du côté d’une terre qui parle des langages qui rencontrent l’intime de mon être. J’avais ensuite été bouleversée par son « God bless Africa ». J’ai découvert la musique de Blick Bassy au travers d’un bouche à oreille favorable. La visite de son « My Space » m’a impressionnée. Jeunesse, sensibilité et maturité se rencontraient dans une voix et des mélodies qui me rencontraient. Maria, Donalina, et Sofie, prénoms de femmes racontant des histoires différentes, mais la sensibilité et la beauté sont en filigrane dans chacune des chansons.
Les savoir en concert à deux pas d’une voiture ne trouvant pas place pour se garer au cœur de Paris avait un côté drolatique, voire ubuesque. La ville de Paris est de moins en moins accueillante pour les voitures et il se trouve que ce n’est pas demain la veille du jour où je me mettrai au vélib !
En attendant nous avons tourné pratiquement une heure avant de nous garer sur un couloir de bus. Incivisme quand tu nous tiens ! Oui mais Blick et Jay Lou sont à deux pas. La crème de ce que le Cameroun offre de mélodieux, d’harmonieux, d’inspiré, de beau est à deux pas et l’on se laisserait arrêter par des considérations telles que les couloirs de bus ? Que nenni ! Nous arrivons enfin à la Bellevilloise et ô miracle le concert commence à peine. L’ouvreuse s’excuserait presque du retard. Retard béni ! Je vais pouvoir faire en grande partie le voyage en musique pour lequel depuis des semaines je me prépare…
Jay Lou Ava arrive sur scène avec discrétion. Il est habillé d’un sourire qu’il nous offrira et partagera avec ses musiciens plusieurs fois dans la soirée. Avez-vous remarqué que le sourire d’un être raconte ses restrictions ou ses dilatations intérieures ? Jay Lou Ava a un sourire qui parle à la fois de réserve et de porte ouverte vers l’autre. Il a le sourire de l’assurance et du doute créatif, cette contradiction fondamentale qui est intrinsèque à l’être artiste. Le sourire de Jay Lou Ava se fera à la fois bienveillant et sobre. A d’autre moments il se fait mélancolique pour être remplacé par un sourire des plus rayonnants. Le sourire de Jay Lou Ava, clé d’entrée et fil conducteur de mes perceptions sensorielles durant le concert. Si ce sourire parle de la vérité de ce musicien de grande classe que dit-il de lui ? Le son de sa guitare et les mélodies dont il est le talentueux compositeur indiquent les portes dont le sourire est la clé.
Le son de sa guitare appelle les conversations à s’arrêter, le concert commence. Habillé de marron et d’un pantalon aux rayures fines, l’homme s’impose sans bruit comme le patron. Il joue sans cabotiner, il est à sa place et l’espace est sien sans qu’il ait besoin de gestes amples. Impressionnant. L’homme et sa guitare semblent faire corps. Les sons de la guitare sont sa voix, son message. Ses yeux se ferment quelquefois brièvement. Où va t-il ? L’homme semble ne pas être avec nous. Où le conduisent les notes qu’il égrène à la guitare ? Mystère de l’artiste, mystère de l’homme. Il nous invite à monter dans cette sphère dans laquelle le mélodieux et le beau sont l’atmosphère naturelle. Le pianiste a l’air ravi d’être là. Noël Ekwabi le bassiste aussi, dégageant une assurance qui se confirmera par la maîtrise de son instrument et de l’aisance avec laquelle il interagira avec le public. C’est lui qui nous demandera une ovation pour le patron. La groupie déchaînée à ma droite, éblouie par le bassiste demandera dans un cri enthousiaste s’il est marié. Après le « bonbon Blick », le dessert Ekwabi. Elle est déchaînée ma voisine de droite. Il faut dire que le bassiste aura été incroyable. Revenons au début de la prestation de Jay Lou Ava.
Jay Lou Ava est accompagné en outre de Fafa Ruffino choriste sublime dans une tenue que lui envierait sans doute Erykah Badu. Il y a derrière le pianiste un percussionniste incroyable dont le nom m’échappe. C’est un percussionniste de race blanche qui joue comme s’il portait en lui les tam-tam de l’Afrique. J’ai retenu son prénom : Laurent, mais son nom m’a échappé.
L’orchestre de Jay Lou est une démonstration que la musique est métisse dans son essence et dans ses expressions. Son Progressive Afro Jazz est une musique qui mêle avec maestria les sonorités africaines au jazz. Regarder son percussionniste jouer des percussions fait bouger bien des frontières de nos absurdes présupposés et autres préjugés. Il y a dans le dos de Jay Lou un batteur discret mais efficace. Ces six personnes sont sur le point de nous offrir des moments magnifiques. Entre « Zen it », « My way », le sublime « Ebotan », et le magnifique « Mbolo » réclamé à corps et à cri par mon voisin de gauche nous avons fait un voyage des plus extraordinaires. Merci à eux.
L’artiste n’a cessé de mettre en lumière ses musiciens, les enveloppant de son sourire bienveillant et invitant son public par des gestes explicites à accueillir ceux qu’il laisse briller. Cette générosité cadre avec la lumière de son sourire. Il n’a pas besoin de se lancer dans quelque solo superflu pour nous prouver qu’il est talentueux. Les notes les plus simples qui vont de sa guitare jusqu’à nous tutoient le sublime. Pas de compétition avec ses musiciens. Pas besoin d’affirmer qu’il est la vedette du groupe, sa place centrale, sa classe, son talent et la lumière qui émanent de lui n’appellent pas la moindre hésitation sur sa place.
Jay Lou est un milieu distributeur qui fait des passes décisives à son équipe et laisse les autres marquer des buts pour le bien du collectif. Il a la classe d’un Magic Johnson offrant à ses coéquipiers des passes « caviar » à rendre aphone George Eddy. Jay Lou Ava est le pilier de ce groupe et n’éprouve pas le besoin d’étouffer les autres pour se sentir exister. La fierté dans le regard et le sourire de Jay Lou lors du solo du percussionniste laissent découvrir un musicien généreux et qui ne doute pas de son talent. Faut-il être généreux et sûr de son talent pour laisser exister son orchestre de cette manière ? Une belle complicité semble les six personnes sur scène. Ils communiquent par des regards et par des sourires et Jay Lou semble être le socle de cette harmonie. Le musicien communique avec la salle soit par des mots, soit par le langage non verbal, mais surtout par sa musique. Les arrangements des morceaux sont absolument éblouissants. Dès la première note « Ebotan » vous prend en captivité et ne vous laisse pas d’autre choix que de se laisser emporter. Enfin je parle pour moi.
Un moment magnifique a été celui durant lequel la chanteuse et le bassiste ont psalmodié Africa sur une musique qui vous pénètre jusqu’au plus profond de l’âme. Au travers des variations de sa musique, au travers des notes de musique tirées de la guitare de Jay Lou Ava, l’Afrique s’ouvrait à mes sens éblouis. Derrière mes yeux fermés mon Afrique venait à ma rencontre.
Ce n’était pas une Afrique anémiée, chétive, vassale des nations par essence, mais c’était une Afrique majestueuse, créative, maternelle, invitante. Aucun besoin de multiplier les mots, la locution « Africa » était suffisante pour que les portes intérieures, le merveilleux de l’Afrique en soi s’ouvrent pour un voyage incroyable. A la fin de ce moment je n’avais pas envie d’applaudir, mais plutôt de dire intérieurement merci. Quelque chose d’unique s’était passé. Mon Afrique intérieure existait pour d’autres. En découvrant dans la nuit son album j’ai lu une de ses déclarations « L’Afrique ne saurait se résumer à des guerres, des maladies, des famines. Je rêve d’une Afrique nouvelle et authentique, une Afrique à son image réelle : grande et belle. Je rêve d’une Afrique débarrassée de ses complexes, une Afrique sur laquelle on cessera de poser des regards en termes de préjugés négatifs. Je rêve d’une Afrique qui ne pleurniche pas, mais qui rayonne, car l’Afrique c’est aussi des milliers d’hommes et de femmes qui travaillent sans relâche pour la prospérité du continent. » Avez vous quelquefois fermé les yeux pour écouter la musique de Jay Lou Ava elle raconte des choses sublimes. Cette Afrique dont il parle je l’ai entendue chantée par sa guitare, peut être parce qu’elle rencontre mon Afrique intérieure, celle de mon cœur.
Les aléas du direct sont nombreux. Jay Lou Ava semble en avoir fait l’expérience. Il semble avoir eu un problème de retour entre autres et pendant un moment il n’a pas pu jouer. C’est alors que son bassiste est entré en action instaurant un moment ludique en nous jouant le thème du film de Sergio Leone « Le bon la brute et le truand » d’Ennio Morriconne, prélude à un moment de folie absolue. Le solo de basse de Noël Ekwabi est d’une virilité brute. L’homme et l’instrument font corps et semblent se livrer à un corps à corps l’instrument et l’homme se défiant au gré des sons de folie qui se laissent porter vers nous. Noël Ekwabi, ça c’est un bassiste !
Le regard bienveillant de Jay Lou a accompagné ce moment de folie, l’homme se mettant en retrait pour laisser briller le soliste. Il est comme ça Jay Lou Ava. Il a la marque des grands. La noblesse de l’artiste de qualité qui se fait mentor pour amener les autres vers la lumière sans craindre de voir la sienne pâlir.
J’ai aimé l’entendre reprendre le standard par lequel je suis entrée dans son univers.
Miles Davis a dit en son temps que « La véritable musique est le silence et toutes les notes ne font qu’encadrer ce silence. » Je trouve que Jay Lou Ava encadre avec splendeur et maestria la beauté du silence. Il nous fait grâce des sons ou des mots superflus. Jay Lou Ava va à l’essentiel du son, de l’émotion et nous livre des mélodies superbes et dépouillées.
Si j’étais journaliste, je vous dirais que Jay Lou Ava est né au Cameroun d’une famille de musiciens. Si j’étais journaliste je vous dirais que son père a écrit l’hymne de la réunification du Cameroun. Si j’étais journaliste je vous dirais que Jay Lou Ava a été influencé par Wes Montgomery. Si j’étais journaliste je vous dirais qu’il est né un 23 septembre, comme l’immense John Coltrane que j’écoute en ce moment en boucle et Ray Charles. Excusez du peu. Si j’étais journaliste, je vous dirais que ses frères étaient musiciens. Si j’étais journaliste, je vous dirais que sa sœur Avline a elle aussi reçu le talent en héritage.
Je ne suis pas journaliste et tout ce que je peux dire c’est que l’homme, le musicien, l’artiste m’a touchée au cœur par son talent, sa générosité et sa classe. Jay Lou Ava a la marque des grands hommes.
Impressions subjectives : Sacramento de Charly Nelle une fenêtre ouverte sur l’homme de l’intérieur (deuxième partie) 3 août
L’homme de l’intérieur nous emmène dans un voyage vers son intimité familiale. Sa famille nucléaire, épouse et fils. Nya mulema (celle de mon cœur) est une chanson adressée à son épouse, celle qu’il dit appeler équilibre. Il parle de l’effet qu’ont sur lui sa beauté, son sourire, son rire, son regard, sa démarche de son eyaye (mot difficile à traduire qui ressemble au fait de frimer). Je connais bien le son de ce rire, l’éclat d’un sourire qui demeure à mes yeux parmi les plus beaux que j’ai croisés. C’est un sourire qui a accompagné ma vie et qui l’illumine encore, le sourire de celle qu’il appelle Nanou dans sa déclaration chantée. Mais chut…je m’éclipse c’est leur histoire.
Une autre chanson me touche c’est celle qu’il dédie à ses enfants (Bana). Chanson visiblement écrite loin d’eux le cœur et la mémoire remplie d’eux. C’est une chanson d’amour d’un père à ses fils mais qui prend une dimension testamentaire alors qu’il leur donne la clé pour triompher de tout : l’amour fraternel et l’unité. C’est une belle déclaration d’amour à ceux qu’il appelle Idubwan am ya longue (les clés de ma vie).
Puis nous l’accompagnons dans un parcours plus douloureux celui de la perte du neveu, du complice, du presque frère, suivi quelques mois après par celui de la mère (Nyangwam), puis celle quelques temps après du frère aîné, de l’alter ego, celui qui l’appelait Carlito (Manel). Dans ce voyage au cœur de ses douleurs intimes Charly utilise abondamment l’onomatopée comme véhicule de ses émotions. L’onomatopée dans le langage de l’Afrique en général et celui du Duala en particulier est plus que des pointillés en bout de phrase ou entre deux séquences locutives. C’est un univers de sons de sens qui vient dire ce que la pauvreté des mots ne saurait livrer du flot émotionnel de l’instant. Par une onomatopée on peut appeler un peuple à se rassembler, on peut dire sa peine, son mépris, sa colère, son dédain.
Sur le chant en hommage à sa mère, de surprenants graves se laissent rencontrer dans sa voix. Des graves qu’il serait intéressant d’explorer artistiquement à l’avenir et de travailler pour les maîtriser techniquement.
Etrange sensation que celle qui se diffuse dans cette chanson. Il y a comme l’expression d’une mue symbolique, l’accession irrévocable à l’état d’adulte que consacre la mort d’une mère. La mort d’une mère qui emporte les restes de l’enfance tapis en soi que réveillaient le regard, la voix, l’odeur, le rire de la mère. La perte d’une mère est porteuse d’une contradiction fondamentale par le fait qu’elle plonge dans des douleurs d’enfant tout en précipitant dans la mort de l’enfance. C’est en position fœtale que l’on naît à l’état d’adulte. Cette dualité s’entend dans le double registre vocal de Charly quand il chante celle qui était à ses dires son amie, celle qui demeurait fidèle et présente au delà de tout.
A ce déchirement vient faire écho l’amputation sismique d’un membre de la fratrie qui met face à la conscience de sa propre fragilité. La mort du frère complice et alter ego, la mort de Manel. Mort de l’enfant , mort de l’enfance. Dans cette chanson il s’adresse à la mort comme l’on parlerait à un être cruel, retors et sans pitié, qui frappe dans la même famille et ampute trois être dans un même mouvement. « Tu m’a pris Constant, tu m’as pris ma mère, et voici que tu me prends Manel ! » Ceux qui ont rencontré dans leur parcours de vie ces séismes aux ondes de chocs terribles peuvent trouver quelque catharsis dans les douleurs chantées de Charly. Heureusement pour lui que la musique est un exutoire et un véhicule des émotions paroxystiques nées de ces pertes irréparables. L’homme est à nu, déshabillé par la douleur et la vérité des émotions passe par sa voix, sans fioritures ou effets superfétatoires. Il est des pertes qui dénudent. Charly assume cette nudité, la crie, l’écrit et la chante comme une catharsis. Extérioriser les séismes pour se mettre à l’abri d’ondes de choc qui chez plusieurs sont des portes ouvertes au désespoir ou à la dépression. Si vous entendiez pleurer la guitare sur Manel !
Plusieurs fois la voix du chanteur laisse passer un cri qui nous atteint comme quand il chante sur un rythme de toute beauté (Made) la grand mère qui lui manque. Made est un bijou rythmique et vocal. Les arrangements sont de très grande qualité. Cet album révèle décidément de bien belles rencontres.
Sacramento de Charly Nelle est un album abouti qui entrebâille des fenêtre sur l’homme de l’intérieur, une homme que des épreuves personnelles et familiales ont recentré sur l’essentiel. Cet album n’est de toute évidence pas une commande, mais plutôt un soupir, un rire, une ironie, un cri d’un homme qui inspire l’artiste. C’est une conversation entretenue avec lui même visiblement dans des moments de cogitations comme celles qu’on mène dans des moments solitude volontaire ou non mais desquels éclosent la beauté qui naît de la sincérité et de vérité. Sacramento, un album serment fait à la mémoire de ceux qui se sont absentés et dont il veut garder la flamme allumée comme le témoigne les trois bougies allumées sur la jaquette de l’album. Sacramento serment d’amour, serment de vie, de pérennisation de la mémoire. Sacramento, serment d’amour à ceux qui sont vivant et qu’il chérit.C’est un album qui vaut la découverte et vaut qu’on prenne la peine de l’écouter et de suivre le chanteur dans le voyage en musique qu’il propose. Celui qui prend la peine d’écouter et d’entendre devrait rencontrer des nuances de toute beauté. Si j’osais je dirais que c’est l’album de la maturité. De la maturité et de la renaissance après de nombreuses morts, même personnelles voire intérieures. De plus les arrangements de Conti Bilong sont de mon point de vue d’une grande beauté.
Pour qu’une chanson soit admise dans mon lecteur MP3 il faut qu’elle passe bien des filtres qui vont au delà d’éventuelles solidarités familiales. Il faut que les chansons me touchent, me réjouissent, me rencontrent, m’émeuvent.
Sacramento de Charly Nelle n’a pas usurpé sa place dans mon lecteur MP3 et je me fais une joie de cheminer avec lui, Charly l’artiste et l’homme de l’intérieur dont les fêlures dévoilées dans cet album révèlent une densité qui me touche. Charly, le frère adopté dont l’album me rend fière.
Vous pouvez écouter des morceaux de l’album en allant sur My Space :
http://www.myspace.com/charlynelle