Les promesses tenues du sourire de Richard Bona : Impressions subjectives sur le concert du 25 juillet à Vincennes 29 juillet
Dimanche 25 juillet, Richard Bona s’est produit au parc floral de Vincennes, lieu où semble-t-il il revient tous les ans ou presque, en été. Ceci explique peut-être l’impression de décontraction et d’aisance qu’il dégagera tout au long de sa prestation.
Il est plus de 16h30 quand Richard Bona arrive sur la grande scène du parc floral. Le public qui l’attend est fébrile. Autour de moi des personnes de tous âges et phénotypes sont dans une attente à la fois fiévreuse et souriante. La musique de Richard Bona a suffisamment d’amplitude pour toucher des personnes de toute origine culturelle ou sociale.
Ses albums sont des promesses et justifient que la foule soit nombreuse pour communier au son de sa bass et à la beauté de sa voix.
Mais pour moi il y a une autre promesse que j’espère qu’il tiendra. Je l’ai vu en concert au New Morning et si son talent y a été incontestable, sa bass majestueuse et sa voix quelquefois angélique, Richard Bona n’avait pas tenu les promesses de son sourire.
Quoi les promesses d’un sourire ? Je vous entends d’ici vous interroger sur la lucidité de celle qui écrit cette chronique. Repliez vous suspicions je suis aussi normale que n’importe quel humain vivant dans la folie de notre siècle (hihi !).
Avez-vous déjà regardé le sourire de cet homme ? Il est chaleureux, enfantin , communicatif, malicieux, bref il est magnifique. Il semble vous parler d’un homme chaleureux. Sur scène son sourire semble vous dire qu’il est avec vous et que vous êtes en phase, cheminant ensemble au gré des notes de musique. Imaginez les attentes générées par les promesses d’un sourire ! Oui j’ai un rapport totalement subjectif à la musique et je l’envisage comme un tout dans lequel le musicien ne saurait être antithétique de sa musique dans mon esprit. L’auteur de Souleymane me rencontrerait-il ?
Si le concert au New Morning avait été acoustiquement formidable, il m’y avait manqué la communion, la complicité, le dialogue, de fait ce qui pour moi est essentiel. J’avais lu des promesses dans son sourire et j’attendais de lui davantage que de la virtuosité. Quand on l’écoute cette dernière est une évidence.
Il est possible que ce soir là ait été un soir au cours duquel il n’était pas totalement avec nous. Sa maestria était là, sa bass résonnait avec majesté, sa voix offrait ces surprenantes envolée qui sont sa signature, mais lui je n’avais pas eu l’impression de l’avoir rencontré. J’ai quitté le concert avec un sentiment d’inachevé. Il manquait le moment magique au cours duquel soudain, l’on est ensemble, comme si les âmes se rencontraient sur une note, un rythme, un accord.
Quand j’assiste à un concert, j’aime l’idée d’y aller pour un échange, un dialogue avec l’artiste qui se produit. J’aime l’idée que la fragilité du direct enfantera des moments qui feront que les individualités sur scène et dans l’auditoire se fondront dans un nous qui rendra chaque note de musique plus vivante, plus enveloppante et le concert plus jouissif. Quand le jeu de scène m’apparaît comme un monologue, il n’ajoute pas grand-chose au plaisir procuré par l’écoute d’un CD.
Cette après-midi de juillet, Richard Bona sera en phase avec son public, mieux encore il nous donnera l’impression à chacun de nous peut-être d’être dans un dialogue personnel avec lui. Cela ne s’explique pas, ça appartient à la grâce de la musique, de l’art. Quand un artiste réussit cela c’est beau, c’est inoubliable, ça s’inscrit en nous.
Revenons à Richard Bona à Vincennes. Il succède à Sandra Nkake que malheureusement je n’aurais pu qu’entendre sur la fin sans la voir. Immense est ma frustration. Pour l’avoir déjà vue sur scène, je sais avoir manqué quelque chose. Sandra Nkake, a une voix exceptionnelle ajoute une présence scénique impressionnante. Elle occupe l’espace par sa voix, par sa gestuelle, par son humour. Elle est brillante, pertinente et pleine d’esprit. Ne pouvoir l’entendre que de loin frise la torture. A l’avenir je saurais que pour assister à un concert à 15heures en ce lieu, il faut y être au plus tard à 14h, … la veille !
Sur la scène, ses musiciens le précèdent. C’est un groupe cosmopolite à l’image de la musique de Bona qui absorbe des influences de divers continents. Richard Bona les présentera plus tard avec humour en nous invitant dans leur car aux heures de la coupe du monde football. Moment hilarant s’il en fut.
Le batteur vient de Cuba. Cet homme a quelquefois durant le concert donné l’impression d’avoir de multiples bras alors qu’il se déchainait sur scène. Le pianiste vient de Hollande (origine Surinam), le percussionniste du Brésil, le trompettiste des USA et le guitariste de Guadeloupe.
Alors qu’ils s’installent, la fièvre monte dans le public. Carré VIP ou pas, la musique est reine et nous sommes de volontaires sujets le temps d’une après-midi.
Le bassiste arrive sur scène vêtu d’un confortable ensemble blanc et des baskets aux couleurs du Cameroun, comme pour rappeler que l’on emporte toujours ce pays en soi où que l’on aille. Dès son entrée en scène, il est chez lui. Souriant, confiant il entame le premier morceau. Il n y a pas de phase qui sert à apprivoiser le public. Celui qui est là, est déjà conquis. Je suis préparée à profiter de l’instant quand bien même l’échange que j’espère n’aurait pas totalement lieu.
Je n’ai pas la prétention de raconter le concert de manière exhaustive mais juste des moments qui m’ont touchée, marquée, impressionnée.
Est-ce parce qu’il nous a présenté sa maman dans le public que son « Mbemb’a mama » (les larmes de ma mère) me touche particulièrement malgré l’humour avec lequel il présente la chanson ? Voir cette petite dame le visage radieux qui sourit au public en le saluant est émouvant. Le rapport à la figure maternelle trouve en chacun diverses résonances ce soir là à Vincennes la chanson et le visage illuminé de cette maman rencontrent les miennes. Écouter la chanson et l’entendre coule de source.
Quand il entame « Shiva Mantra » composé ô surprise en Inde (^_^), le bassiste amorce un étrange mouvement de la main droite comme si elles étaient habitées par la figure de Shiva. Le mouvement de ses mains appelle une attente de virtuosité qui sera largement tenue et soutenue par des musiciens inspirés, notamment le trompettiste et le percussionniste grâce auxquels l’ailleurs s’installe au milieu de nous. L’Inde est là avec ses représentations forgées entre autres par Bollywood.
La densité de l’intro de « O sen sen » me fait regretter d’être dans le carré VIP juste derrière l’ambassadeur du Cameroun et son épouse. Le syndrome de la contorsion contrariée me reprend. Il est des musiques qui appellent naturellement des réponses corporelles inappropriées au milieu des VIP. Ils restent assis les bougres. Obligée de faire comme eux. Au premier rang un enfant de sept ans peut-être n’est pas tenu par de telles contraintes. Il danse avec frénésie et sans le savoir me venge.
Richard Bona profitera de cette chanson pour inviter des choristes exceptionnels : nous !
Les hommes et les femmes rivaliseront de virtuosité pour affirmer leur présence et épater le musicien. L’homme sur scène dévoilera un humour étrange comme il demandera aux femmes de plus de quarante ans de chanter. Mais quelle idée ! Puis suivront les femmes de plus de cinquante, etc. Heureusement que j’ai vingt ans pour la durée des temps. Pfttt !!! Si vous aviez vu l’air malicieux du monsieur ! Mais quel coquin. Le public hilare était conquis. Si vous croisez monsieur Bona, dites lui qu’au-delà de vingt ans, une femme n’a plus d’âge voyons.
Sur « Jombwe », l’homme livrera un solo de bass de toute beauté et tout en subtilité. Ce moment l’inclinera à clore les yeux comme pour un dialogue avec la musique dans lequel il s’isolerait. Un beau moment. Puis vient le moment au cours duquel il défie de sa bass chacun des musiciens ces derniers ne se laissant pas intimider. Chaque musicien a l’occasion de dévoiler sa virtuosité.
Comment raconter le moment magnifique au cours duquel à l’aide d’une espèce de pédalier qui enregistre sa voix il se fait homme orchestre ? La voix de cet homme est un instrument dont il joue en virtuose.
A la fin du concert il conditionne sa prestation par le fait que tout le monde danse. Mais comment a-t-il su que ce n’était plus possible de rester assise ? Quand je dis que nous étions en phase, dans un dialogue, CQFD (hihi). Est-il besoin de vous dire que les bras, les jambes, la tête, le corps entier ne se sont pas fait prier pour se trémousser ? Autour de moi les VIP devaient être dans le même état d’urgence. Un moment superbe. Trop court forcément.
A la fin du concert, après une fausse sortie, il entame « Eyala », un bijou mélodique et harmonique. La voix du chanteur s’ouvre, s’amplifie, s’élargit, c’est un moment magnifique. Les notes semblent s’attarder dans sa voix comme pour retenir l’instant, ralentir le temps, maintenir encore un peu la magie d’une après midi ensoleillée parée par une musique merveilleuse.
Richard Bona et ses musiciens nous ont offert un joli moment de complicité, de beauté, de musique, de détente, de vie. Un de ces moments au cours desquels le temps, pris dans l’écrin précieux qu’est la musique, semble suspendre son vol. Quand des musiciens vous offrent cela leur mission est accomplie. J’espère qu’en retour nous le public leur aurons offert un beau moment accomplissant en retour notre mission.
Richard Bona m’a touchée parce qu’il aura été avec son public, en phase avec lui, heureux de ce que l’auditoire lui offrait le recevant avec délectation mais sans arrogance. Il a tenu les promesses annoncées par son magnifique sourire.
Ce soir là à Vincennes j’ai sans surprise rencontré le virtuose attendu mais, j’ai de surcroît l’impression que l’homme annoncé par la fenêtre de son sourire s’est laissé dévoiler, rencontrer, au moins en partie. Cet homme c’est un peu de Richard Bona dans sa vérité. L’homme que j’ai vu sur scène avait l’élégance, l’ouverture, la malice et la simplicité promises dans son sourire. C’est le Richard Bona que j’attendais. Merci monsieur d’être venu.