J’ai vu s’ouvrir un de ces entre-deux magiques qui suspendent le temps et élargissent l’espace : impressions subjectives sur le show case d’Etienne Mbappe au Comedy Club (troisième partie) 26 octobre
Il y a aussi eu la concrétisation de mon rendez-vous avec la chanson que j’attends sur scène depuis le printemps : Bonendale. A chacun ses addictions. L’attente en valait la peine. Caramba y carambistouille mes pieds ne touchaient plus terre. Etre obligée de rester assise à ce moment là relève de la torture. Il a introduit ma chanson vitamine par un « mini mini mini mini ya mini mini » qui a eu la vertu d’ouvrir un boulevard dans les mémoires de ceux qui ont eu ce chant comme compagnon de leurs jeux d’enfants du côté de ma terre natale. Ce chant qu’il nous fait reprendre en chœur est une belle escale avant d’arriver à Bonendale. Ce chant qui arrive comme une suite à nos jeux d’enfants raconte l’enfance du chanteur. Ingénieux n’est-ce pas ? Et en plus la chanson était pour moi et pour moi toute seule. Tous les autres spectateurs n’étaient que des figurants de mon enchantement de l’instant. Comme vous pouvez le constater, l’option centre du monde prise à la naissance ne s’est pas arrangée. Vous vous imaginez vivre un tel moment coincé sur une banquette ? Je mérite une médaille pour y avoir survécu. Vivre Bonendale assise sur une banquette est aussi incongru que d’essayer de boire de l’eau en se servant d’une fourchette !
Le groupe Su la take qui accompagne Etienne Mbappe est constitué de Cate Petit, ravissante chanteuse aux visage expressif et aux contorsions corporelles qui font d’elle par adoption une fille du Cameroun. Cédric guitariste virtuose dont nom m’échappe de même que celui de Nicolas le batteur qui de temps en temps se mue en Shiva pour jouer comme s’il lui poussait de partout des bras invisibles. Il nous a offert un solo surprenant de maîtrise. Bravo à lui. Et il y a le violoniste dont je n’ai saisi ni le nom ni le prénom, mais dont je sais qu’il a des yeux magnifiques. Heu… J’ai aussi remarqué la beauté du son de son violon. Il en joue avec grâce. Par petites touches, il apporte du brillant à la musique de l’ensemble. Souvent Etienne à l’écoute du son de son violon lui jette un regard qui en dit long sur la beauté qui se dégage de l’instrument. Le groupe Su la Take est un bien beau groupe et une évidente complicité unit le chanteur et son groupe. Des regards et sourires approbateurs, de discrets hochements de tête, des moment de duo comme avec le guitariste (magique) la complicité avec Cate et le mariage subtil de leurs voix sur l’émouvant « o mwititi »
Oh la voix de la chanteuse sur ce chant, l’émotion dans son regard dans ce chant qui parle de la solitude et des douleurs de l’abandon. Sur ce chant Etienne Mbappe se fait choriste et laisse briller la voix de Cate Petit qui par moments offre de superbes graves. Joli moment.
Je ne saurai raconter ce concert de manière chronologique parce que les lois naturelles étaient pour moi en pause et je ne peux que livrer les impressions durant ce concert, les émotions offertes par les chants. J’ai aimé qu’il reprenne un classique d’Eboa Lottin auquel la proclamation sur son « bolo bwa Sawa » à la fin du concert est un bel écho. Résonance qui nous dit que le témoin est passé entre deux artistes, entre deux génération.
J’ai dans la mémoire des moments comme l’intro formidable sur le chant « Ee to kem », ou la prestation de Cate Petit sur l’incontournable « San san boy ». Et il y a eu « Alane » madeleine de Proust pérenne qui sans cesse dépose comme du cristal au bords de mes cils. Alane, chant dans lequel le « je » du chanteur n’est pas étouffant. C’est un « je » inclusif et invitant qui permet une catharsis à celui qui le chante à son tour, pour peu qu’il connaisse les solitudes et les déconstructions propre aux déracinés. J’ai aimé la prière pour l’Afrique dans son chant Mukambilan. Un chant qui me touche comme une évidence. Décidément la soirée aura été d’une grande richesse. Malgré de petits soucis de sono et le fait de devoir apprendre la danse en position assise, j’ai passé une soirée magnifique. J’ai bien essayé de réclamer dix chansons de plus à la fin mais je n’ai pas été écoutée. Pfttt ! Quand j’ai vu monter sur scène un monsieur qui marquait par sa présence la fin imminente du concert, je me suis rendu compte qu’il était pratiquement une heure et demi du matin. Etienne Mbappe et Su la take m’avaient ouvert une brèche, cet entre deux qui fait que l’espace et le temps se dissolvent pour laisser place à la grâce d’un instant unique et par conséquent irremplaçable.« La musique pour moi a toujours été, et demeurera le plus sûr endroit pour me réfugier, et plus encore lorsqu’elle est habillée de mots conteurs d’histoire. Et vous ? » demande Etienne Mbappe sur la jaquette de son premier album.
Nous aussi Etienne. Et en nombre croissant. Nous aussi nous aimons nous réfugier dans la musique quand elle s’habille de mots conteurs d’histoire. Merci de n’avoir pas dérogé à cette ligne directrice d’un album sur l’autre et de l’avoir plutôt enrichie. Et cette musique et les mots qui l’habillent font que les auditeurs, pour peu qu’ils se donnent la peine d’entendre ont envie de rester. Ils restent parce ce qu’ils savent que les mots d’Etienne sont ceux de leurs âmes et sa basse est aussi le rythme de leurs cœurs, l’expression de ce qu’ils ressentent et ne savent pas dire. La musique d’Etienne s’habille complaintes sur l’état des lieux de la planète, de l’Afrique. Elle porte ses affirmations, ses proclamations sur la terre mère, notre Afrique qui donnent envie de lever le poing comme en leur temps les combattants pour les droits civiques. Ca m’est arrivé hier lors du concert, comme une évidence et comme une suprise. Etienne Mbappe est un artiste passeur de sens. Il est un artiste en ce qu’il a quelque chose à dire et l’art est au service de ce qu’il porte en lui. C’est parce les mots d’Etienne Mbappe ne sont pas des logorrhées insensées, mais des mots qui mis bout à bout sont conteurs d’histoire. Les mots et la musique d’Etienne nous parlent parce qu’ils parlent de nous depuis nos espaces de refuge micro identitaires à des espaces plus larges de l’expression de nos êtres. Des mots qui ont un sens et qui se posent sur de la musique
La soirée a été riche en belles surprises parmi lesquelles la rencontre avec Noël Ekwabi bassiste d’origine camerounaise que j’avais entendu se déchaîner au printemps sur un concert de Jay Lou Ava. Lui aussi a une basse pyromane. Le Cameroun a donné à la musique des bassistes d’une classe folle. J’ai apprécié la simplicité et l’enthousiasme avec lequel il répondait à la musique d’Etienne Mbappe. J’aime croiser l’humilité dans les gens que je rencontre.
Il faisait un peu froid sur le trottoir en attendant d’entrer dans le Comedy Club mais ce qui devait suivre valait bien quelques grelottements sur un trottoir parisien. Je savais qu’à l’intérieur je n’allais pas tarder à me réchauffer. Je savais qu’il y avait du feu dans la basse de monsieur Etienne Mbappe. En sortant du Comedy Club, faisait-il froid sur le trottoir parisien ? Je l’ignore, j’emportais avec moi des réchauffements intérieurs comme je les aime et des étoiles dans les yeux. Si vous croisez de surprenants brillants dans mes yeux, je ne suis pas « stone » si ce n’est de musique, si ce n’est de la magie d’une soirée de toute beauté. Si vous croisez de surprenants brillants dans mes yeux, ne me réveillez pas.
Pour conclure, figurez vous que j’ai pu assister à cette soirée pour avoir eu l’immense privilège d’être invitée par l’artiste soi même ! « Les jaloux vont … » Assia.