Eloge de l’autre par Tahar Ben Jelloun 13 novembre
« Le dialogue véritable suppose la reconnaissance de l’autre à la fois dans son identité et dans son altérité »
(Proverbe Africain)
« Si je diffère de toi, loin de te léser, je t’augmente. »
(Antoine de Saint Exupéry)
Je vous propose une incursion dans un texte magnifique de Tahar Ben Jelloun. J’aime la beauté de ses mots, la précision, la pudeur et l’élégance avec laquelle il raconte le funambule qu’est celui qui est loin de chez lui, exilé de l’intérieur loin des sensations propres à sa terre d’origine.
« L’étranger a toujours un ciel froissé au fond des yeux. » Où a t-il été cherché cette phrase sublime et bouleversante ?
L’altérité est richesse et douleur, elle est négociations permanentes avec son environnement pour demeurer constant dans le changement. Au cœur des discours qui parlent de lui envisageant son intégration et proposant sa désintégration pour être assimilé il se bat pour évoluer sans se perdre. On voudrait qu’il oublie la langue de ses pères, cette dernière est son repère, le lien avec lui même. C’est un ensemble de sons, c’est une musique particulière qu’il transfère quand il parle langue du pays qui l’accueille. Son accent, sa différence font sourire, il ne les entend pas toujours, quand il parle, sa voix et ses intonations lui sont une matrice. Il se trouve que parfois celui qui a souffert des violences de l’altérité est d’une rare férocité avec celui qui est différent. Nous sommes toujours l’étranger, l’autre de quelqu’un. Un texte comme celui qui suit nous fait vivre cet autre de l’intérieur et aller à sa rencontre et l’accueillir comme un frère.
ÉLOGE DE L’AUTRE
Celui qui marche d’un pas lent
Dans la rue de l’exil
C’est toi
C’est moi
Regarde-le bien,
Ce n’est qu’un homme
Qu’importe le temps,
la ressemblance,
le sourire au bout des larmes
L’étranger a toujours
Un ciel froissé au fond des yeux
Aucun arbre arraché
Ne donne l’ombre qu’il faut
Ni le fruit qu’on attend
La solitude n’est pas un métier
Ni un déjeuner sur l’herbe
Une coquetterie de bohémiens
Demander l’asile est une offense
Une blessure avalée
Avec l’espoir qu’un jour
On s’étonnera d’être heureux
Ici ou là-bas.
Tahar Ben Jelloun
Merci à vous Monsieur Ben Jelloun d’avoir su mettre des mots sur cet état d’être propre à l’altérité.
kinkajouunblogfr 14 novembre
Je passe dès que je peux, je m’attarde, je flâne, je hume et j’apprécie. Alors ce texte de Ben Jelloun et l’introduction que tu en fais font écho à l’étrangère que je suis partout, y compris sur ma terre natale ! La conclusion de Ce grand monsieur est comme des paillettes qui illuminent le regard !
Merci de nous faire partager cet écrit.
Myel
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