
J’aime le cœur de la nuit pour mille et une raisons. Certaines d’entre elles sont dicibles d’autres plus personnelles. Mais quand la nuit fait descendre sur la scène de nos vies un rideau opaque obligeant nos yeux à faire des efforts pour discerner les choses et libérant parfois des insécurités dans les grandes villes elle apporte aussi des quiétudes et des silences qui permettent des détentes qu’offre rarement le jour. Le silence complice éveille une conscience de soi et des choses que ne permettent pas nos frénétiques journées. J’aime la nuit aussi parce que je la trouve créative pour moi. C’est la nuit que les mots viennent à moi sans entrave et m’offrent des voyages qui souvent me surprennent. J’aime écouter de la musique au cœur de la nuit parce qu’alors je peux l’entendre. Est-il possible que je sois chouette ? Pas la peine de monter sur vos grands chevaux en m’accusant de défaillance de modestie. La chouette dont il est question c’est la femelle du hibou. Ca y est on a retrouvé son calme ? Revenons à quelques uns de mes bonheurs nés au cœur de la nuit. Figurez vous que la nuit dernière j’ai reçu un bien joli cadeau. J’ai eu le privilège d’écouter en avant première un des morceaux du prochain album de Fred Doumbe, chanteur, compositeur et bassiste d’origine camerounaise. Comment ? Par quel circuit ? Ferais-je partie de ces pirates qui pillent les œuvres des artistes avant leur sortie et la diffusent en douce ? Que nenni mes amis. Si vous rêvez d’en entendre une note par mon entremise, autant essayer de puiser de l’eau avec une passoire ou avec une fourchette. Ca ira plus vite (hi hi).
Revenons à la chanson. Il n’est pas aisé de mettre des mots sur des émotions de l’instant et de fait j’ai conscience des limites de l’exercice. J’assume totalement la subjectivité de mes impressions sur la musique d’autant que mon rapport à la musique passe forcément par des sentiers intimes et personnels. J’aime quand une musique vient à moi, me prend par les sens, par l’émotion et me propose un dialogue, un voyage, et propose des danses à mon âme. Parce que la chanson que j’ai écoutée au cœur de la nuit a ouvert des portes de l’intime elle a retenu mon attention. Je la trouve magnifique pour bien des raisons. La musique a des arrangements d’une subtilité comme je les aime. C’est sans difficulté qu’elle a passé le test des paupières. Le test des paupières kezako ? Laissez-moi vous expliquer. Vous arrive-t-il quelquefois d’écouter de la musique et d’éprouver le besoin de vous soustraire à votre environnement pour être en osmose, en communion avec une musique ? Connaissez-vous cet appel de la musique qui vous invite à fermer les yeux et à entrer dans un de ces lieux dans lesquels la musique et l’auditeur cheminent ensemble tout en entretenant un dialogue ? Avez-vous déjà eu l’impression que la musique vient à votre rencontre et semble ouvrir en vous fenêtre après fenêtre simplement parce qu’elle a trouvé votre « sésame ouvre-toi » ? Combien j’aime ces moments, ces balbutiements de la relation à une musique, à une chanson que l’on découvre. Combien j’aime les anticipations que nous offrent les premières notes de musique ! Un peu anthropomorphique ce rapport à la musique ? Probablement. Mais de vous à moi, ne jugeons nous pas des choses au travers du prisme de nos socles de références conscients ou non ?
J’ai aimé la chanson de Fred Doumbe d’abord pour des raisons d’abord strictement musicales. En effet, la musique, les harmonies, les arrangements sont d’une belle subtilité. Aucun son en effet ne m’apparaît rédhibitoire par le fait de céder à la facile tentation du « attend que je t’épate. » Les sons s’emboîtent comme une évidence pour livrer une douce mélodie sans pour autant céder aux irritantes facilités qui vous obligent à rouvrir les yeux parce qu’un non sens est venu altérer la beauté de l’instant. Et puis le sens qui forcément rencontre mes chemins intérieurs puisque le chant parle d’une relation avec Celui qui est mon essentiel. Il raconte le voyage en prière de celui qui, devant la conscience de l’état du monde et celle de sa finitude en appelle à la transcendance pour trouver du secours pour lui et pour ses congénères. C’est un chant entre abandon et supplique. « Sunga nin wase » (Sauve cette terre) est une prière, une supplication, une complainte à laquelle les cuivres viennent apporter une profondeur et cette douce mélancolie propre à la valse que dansent l’espoir et nos désespérances. En cela le chant est dans la filiation du blues et du gospel. Drôle sensation que celle d’avoir l’impression d’entendre clairement le langage d’un instrument qui semble entrer en prière, parler, et dire nos complaintes. Magnifique morceau que j’écoute en boucle. Encore et encore. C’est grave docteur ? 
J’aime aussi la manière dont vocalement le chant commence tranquillement, à l’image d’une prière chuchotée dans la quiétude du matin. Puis, il monte comme montent ces cris intérieurs propres à cet échange là. Echange unique et antagonique qui voit lutter le désespoir et les entêtements de l’espérance. A force de l’écouter, en moins de 24 heures je le connais presque par cœur. Ah ! vivement l’album !
J’avais déjà été à la rencontre des musiques de Fred notamment sur My Space et les mélodies m’avaient accrochée. Encore un talent né du côté de ma terre qui me touchait. J’aime découvrir les talents qui font briller la richesse artistique du Cameroun. Plus le temps passe, plus ces musiques là, ces sons qui, même enrichis de l’ailleurs laissent passer comme un battement du cœur de ma terre qui me touche et m’habite. Il faut croire que l’ailleurs et la distance ramènent à soi. J’ai écouté apprécié les musiques de Fred Doumbe au fil de mes découvertes. Des musiques qui vous interpellent d’abord par leur qualité et, par la finesse des arrangements. Dans la musique de Fred Doumbe, l’influence du jazz est évidente, de même que celles de la musique funk, et cette double influence va à la rencontre des sons venus de sa terre natale. Je vous laisse découvrir sur My Space les arrangements de Mot’a Ikon qui pose dès l’entrée une ambiance jazzy. Mais alors que vous écoutez la chanson il y a un changement de rythme qui invite des guitares résolument Makossa. Le sons se suivent, s’unissent et se répondent sans rupture. En même temps il passe du duala, au français et à l’anglais avec aisance, comme si chaque langue était dans la continuité de l’autre. Une musique et des mots à la confluence de cultures diverses qui enrichissent sa musique.
Sur no sleep la basse résonne comme j’aime. Venez et écoutez et vous découvrirez qu’il y a des insomnies bienfaisantes
. Ceux qui aiment le jazz fusion ne devraient pas être dépaysés en empruntant les sentiers ouverts par cette belle musique. Les influences de musiciens tels que Earl Klugh ou George Benson sont audibles. « Mais il arrive quand l’album ? ! ? »
Vous entend-je par l’imaginaire soupirer à l’écoute de ce morceau. Comme je vous comprends ! C’est le genre de musique qui vous transporte un lieu de détente dans la quiétude du soir, blotti dans un fauteuil, un verre à la main, ou mieux encore, au risque d’offusquer les âmes sensibles dans un bon bain pris les yeux clos, la musique à fond dans un casque, coupé du monde, seul avec la musique, seul avec cette beauté là. Se contenter de l’écoute via son PC ce n’est pas la même chose vous ne trouvez pas ? Vivement l’album !
Les quatre morceaux offerts à l’écoute sur My Space promettent des variétés dans la thématique des chansons tout en tournant autour de la relation à l’autre. Le musicien nous entraîne en musique dans l’exclusivité d’une relation amoureuse qui fait face à des vents contraires. We na mba (tu es avec moi) est à la fois une déclaration chantée et une prise de position contre les pollueurs de paix pour ceux qui s’aiment. Tout ceci sur une musique comme j’aime, tout en finesse et avec une intervention de la basse vers le milieu du chant du genre …hummmmmmm ! ! ! On n’est pas dans la démonstration, mais la basse est là pour le bonheur de mes écoutilles.
Puis la ballade en musique emmène à la rencontre d’une de ces personnes pernicieuses et rongées par l’envie. Vous savez celles qui vous polluent la vie et apportent la division dans les familles (mot’a Ikon). Avec Kongossa, (terme générique du Cameroun qui désigne les ragots médisances et autres calomnies réunies dans la même malveillance) l’on peut entendre une mise en garde et une mise en lumière des dégâts causés par ces langues infectées par le fiel et nourries à la méchanceté. Les langues de ceux qui trouvent leur jouissance dans la chute et dans le malheur de leur prochain. Il faut croire que les tours et détours du cœur humain laissent apparaître bien des gémellités qui défient les barrières culturelles et qui rendent les histoires singulières contées par un chanteur universelles. « Ils sont parmi nous » comme dirait David Vincent.
Ces prémices me laissent anticiper un bel album, soigné et abouti. J’ai parié avec moi qu’il le serait et je compte bien gagner mon pari (hi hi). Il me tarde de découvrir les autres chansons et de découvrir les arrangement ultimes de celles que j’ai entendues. Mon petit doigt m’a secrètement soufflé le nombre de chansons de l’album à venir mais je ne vous le dirai pas pour vous laisser le bonheur de la découverte au temps convenable.
Si tout va bien, et il y a intérêt (soi dit en passant) il devrait être disponible en décembre.
En décembre ? Wow !!!! Mais qui a prétendu que que le père Noël n’existait pas ? (lol).
Je vous laisse découvrir sa musique :
http://www.myspace.com/freddoumbe
Photos piquées sur My Space (oh la voleuse !!!!).