Impressions subjectives sur Scènes d’Eté à la Villette : Etienne Mbappe un artiste embrasé (suite et fin) 30 juillet
Le son d’Etienne Mbappe au service du sens
Il y a eu des moments magiques comme ceux durant lesquels les choristes étaient sur la pelouse. Nous étions les choristes. Nous avons, unis avec la scène chanté un classique du répertoire de la musique camerounaise et particulièrement du peuple Sawa (peuple de la côte) mon peuple, mes racines, mes fondations. Ce classique est la complainte du riverain qui se lamente sur la déliquescence de ce qui fait l’assise identitaire des Sawa. C’est l’impérissable » mbemb’a mot’a sawa « d’Eboa Lottin. Un moment magique, mystique, unique, et inoubliable. Une communion de cœurs et de soupirs pour notre peuple qui s’unissaient aux larmes prophétiques d’Eboa Lottin versées il y a des décennies pour le peuple de ses pères, de nos pères. Soupirs amplifiés par la distance. Un moment comme je les aime, un moment qui touche l’âme. La musique d’Etienne Mbappe n’occupe pas le vide sémantique par une profusion de sons. Les sons encadrent du sens, de la substance, de la profondeur. Respects. Merci à lui pour ce moment merveilleux.
Il y a eu le moment où le chanteur et ses musiciens nous ont entraîné dans le chant » Alane « (emmène moi chez moi). Quelques cloisons internes se sont ouvertes pour laisser passer les larmes qui font écho aux profonds sentiments de solitudes nés de la distance de sa terre natale. Il y a ces morcellements cachés qui coulent en larmes. J’avais à côté de moi mon amie de toujours, mon amie d’enfance, ma sœur dont les yeux laissaient couler des larmes. Nous n’étions pas les seuls. Unis à la voix d’Etienne nos cœurs criaient » emmène moi chez moi, là où j’ai poussé mon premier cri ». « Dis aux miens que je reviendrai et nous danserons et chanterons encore ensemble ». Comment ne pas verser de larmes quand la distance nous rappelle les défections fondamentales liées, à l’absence, à la conscience que là bas la vie continue et se construit sans nous et nous habille progressivent d’une inquiétante étrangeté ? Etrangers partout…(Na yo nde). « Alane » notre madeleine de Proust. C’était un moment unique. Pardon aux musiciens si nous avons écorché ces deux chants, mais il nous eût été impossible de ne pas chanter notre chant à tous en même temps que vous. De ne pas chanter ce chant né des hurlements intérieurs et de nos éloignements communs. Ce chant qui s’écoule de nos larmes d’altérité. C’est ce chant fondamental que l’artiste a su entendre au fond de lui, le recevoir et nous l’offrir comme un support à nos émotions et à nos solitudes. En toute subobjectivité je dis qu’il y a une dimension poétique et quasi prophétique dans la musique d’Etienne Mbappe. Et vous savez quoi, il a enchaîné avec Cameroun o mulema. Obligée de chanter avec lui, avec eux le Cameroun que nous avons au cœur. Caramba y carambistouille ça c’est un concert ! Les choristes de la pelouse de la Villette étaient en poste. Nous avons dansé sur Miso ma munami (les yeux de mon fils), sur une version énergique et maîtrisée de Yen Etom (cette dette) et sur cette chanson la basse me met la tête à l’envers. Et puis il y a eu » Sansanboy « qui a permis à la chanteuse
Cate Petit (Endalle Bosadi comme l’appelle le chanteur) de livrer à la fois sa maîtrise vocale et sa capacité à se livrer à de surprenantes danses. Elle doit être un peu contorsionniste à ses heures perdues. Elle a une voix superbe et est très expressive quand elle chante. Et quand elle chante en Duala il y a ce petit quelque chose qui habille les mots d’un charme singulier. Elle est Endalle Bosadi, et puis c’est tout ! La chanteuse est un visage radieux de la rencontre des mondes. La musique est décidément un pont efficace entre les peuples.
Générosité d’artiste
J’ai aimé la générosité du chanteur qui laisse exister les musiciens. Il attire l’attention du public sur chacun des musiciens, et plusieurs fois encore. Le guitariste n’a pas usurpé sa place dans le groupe. Saperlipopette sa guitare est polyglotte ! le violoniste a été mis en lumière plus d’une fois par Etienne, de même que le percussionniste du Burkina Faso dont le nom m’échappe. ce dernier nous a offert vers la fin du concert un solo de percussion qui semble venir des profondeurs
de l’Afrique pour résonner dans nos » Afrique » intimes. L’homme donne l’impression d’avoir en plus de ses deux mains des mains invisibles qui viennent faire résonner ses instruments sans qu’il donne l’impression de souffrir le moins du monde. Les percussions sont un langage qui me parle décidément de plus en plus.
J’ai aimé ce concert d’abord parce que l’univers qu’offre la musique d’Etienne Mbappe fait écho en moi parce et parce que la qualité de sa musique est exceptionnelle. Mais au delà de ça il y a la maîtrise de la musique, de l’espace sans effets inutiles et surfaits. Quand il est arrivé sur scène pas besoin de manières, il est là et c’est tout, comme une évidence et la basse résonne. C’est l’instrument qui nous dit qu’il est le boss. L’artiste n’est pas dans le trip » voyez comme je suis bon. Vous êtes épatés ? « . Si tel était le cas, il ne me toucherait pas. Ceux qui s’épatent eux même n’ont pas besoin de notre admiration n’est-ce pas ? Non, Etienne Mbappe n’a pas besoin de faire dans la surenchère, il n’en a pas besoin. Son talent s’impose. Sa basse l’impose. Ses textes et sa musique explosent et nous sommes avec lui. Il peut s’autoriser l’assurance tranquille de ceux qui sont doués et travaillent, et qui font de la musique pour dire quelque chose, communiquer, partager. Tant qu’il restera comme ça je resterai.
Il paraît que les bonnes choses ont une fin. Voici venir la fin du concert. Pas déjà !L’homme et ses musiciens nous saluent et prétendent s’en aller. C’est trop brutal. Ca ne peut être fini ! Pas comme ça. Pas en laissant des points de suspension entre nous. Il n’a pas chanté Bonendale. Une protestation monde de la pelouse à coup de « une autre » et de « Bonendale ». Devinez de qui vient la seconde expression ? Non le chanteur nous fait le coup de la fausse fin. Il ne peut en être autrement. J’en guette la confirmation sur les visages des siens qui me rassurent. Il revient. Yes ! Bonenedale arrive. Non ce ne sera pas ma chanson vitamine
, mais il met quand même le feu sur place. Et plutôt deux fois qu’une ! Who’s the boss ?
Etienne Mbappe n’a pas de mal à mettre le feu à la scène et à le communiquer à l’auditoire parce qu’il est visiblement habité par un feu intérieur fait de passion pour la musique et pour ses racines. Parce qu’il semble habité par ce feu intérieur qui fait qu’un humain, dans sa sphère d’activité repousse les limites connues et apparemment établies pour ouvrir des ailleurs et de surprenants autrements. Avez vous entendu le solo rock du plus bel effet au coeur de Na Yo nde ? Ailleurs et autrement. Le talent et la grâce rendent l’insoupçonné matériel. C’est par ce feu intérieur que ces êtres d’exception communiquent aux autres leurs embrasements, et l’on peut ainsi affirmer avec l’un d’eux que le véhicule identitaire des Sawa ne sombrera pas (Bolo Bwa Sawa). C’est ce feu que l’on transmet à ses pairs et à la génération qui vient et l’on peut voir du changement dans les fondements de la culture. Pour moi Etienne Mbappe n’est pas un bassiste qui chante c’est un artiste complet qui communique le feu intérieur, le monde qui l’habite par son instrument, par sa musique, par ses mots et par sa voix. En ce sens, l’album Su la take est porteur de feu pour qui l’écoute et l’entend.
Pour revenir à mes contrariétés de départ, vous savez quoi ? j’ai acheté un autre CD et je suis repartie avec une dédicace. J’ai désormais deux CD un pour la semaine et un pour le week-end (hi hi) » Etiennobarge, vous avez dit Etiennobarge ? Mais nooooooooooon !!!
Et dans la rubrique les jaloux vont maigrir….
J’ai rencontré l’artiste backstage et le peu que j’ai entrevu derrière de l’homme derrière le musicien ne déçoit pas. L’Etienneaddiction me guette en toute subobjectivité cela va sans dire. Merci aussi pour la gentillesse et la disponibilité. Etienne Mbappe la classe ! Assia à vous les jaloux, quand je vous disais de venir à la Villette…
Maigrir avant de périr comme on dit par chez nous
Merci à l’artiste pour ce concert incroyable. Je lui pardonne de m’avoir privée de Bonendale et je sais que lors d’un prochain concert je pourrai reprendre ma nationalité » Bonendale » le temps d’un concert avant d’être rendue au Bonatene de mes pères.