Si on fermait les yeux… 26 août
Si on fermait les yeux
Juste le temps d’un instant
Pour ne pas voir ces yeux
Remplis de désespoir
Les mains sur les oreilles
Surtout ne pas entendre
La voix de la conscience
Qui parle sans s’arrêter
Il y a les regards
Des enfants apeurés
Accrochés aux grillages
Des libertés enfuies
Il y a ces adultes
Dont les regards racontent
Des tortures innommables
Par les mots que l’on sait
Garder les yeux fermés
Ne pas laisser troubler
Le confort éphémère
Des quiétudes d’aujourd’hui
Empathies dangereuses
Prédatrices de confort
Garder les yeux fermés
Et les paupières serrées
Fermer ses souvenirs
Aux leçons du passé
Bâillonner sans relâche
Les voix de ses aînés
Et il y a ces cris
Qui montent de tout près
Il y a le hurlement
De celle qu’on assassine
Pour elle pendant longtemps
Des hommes et des femmes
Ont payé de leur vie
Pour la laisser paraître
Aujourd’hui la voici
Qui sans qu’on y prenne garde
Se laisse bâillonner
Soumettre assassiner
C’était la liberté
Wet wet wet : angel eyes 23 août
Souvenirs d’un été, il y a longtemps déjà.
http://www.dailymotion.com/video/2cfcTlAXpdxAg3iDH
La même chanson en version live
Le Protecteur partie 2 23 août
A peine avait il pris le pouvoir qu’il a fait montre d’un quasi don d’ubiquité. Il était partout, tout le temps. Tous les soir les familles réunies pour partager le repas du soir voyaient entrer chez elles le Protecteur. Il ne se passait pas un jour sans que l’on ait quelque « information » à livrer à son propos, de l’inauguration des chrysanthèmes à la décoration de quelque « people » transatlantique. Un soir nous même eu droit à un sujet qui traitait pendant près de dix minutes de la révolution vestimentaire et capillaire apportée par le chef de l’Etat. L’homme était dynamique de la moumoute aux mocassins en passant par ses cravates aux coloris révolutionnaires. On connaissait le nom de son tailleur, du coiffeur de son épouse, élégante parmi les élégantes et la plus belle d’entre les femmes. On louait l’élégance et la grâce de sa fille de même que la mèche rebelle et l’allure néo-romantique du fils. Notre nouveau père nous offrait un frère et une sœur à exalter. On se serait crus dans quelque principauté d’opérette dans laquelle la naissance qualifierait de fait pour être important et mériter les couvertures de magazines.
Le Protecteur avait réponse à tout et plutôt que de nous faire peur, nous étions rassurés. Rassurés par sa prise de parole quotidienne sur tous les sujets, même les plus inattendus. La fermeture d’un théâtre, les redéfinitions de la féminité suscitaient de sa part des discours enflammés. Nous étions cernés par sa parole, cernés jusqu’à l’oppression disaient les leaders de l’opposition. En général une réponse cinglante du Protecteur venait renvoyer dans les cordes ceux qui osaient contester sa manière de faire et d’être. Les sondages d’opinion disaient l’accord apparent des fils et filles du nouveau père. Nous étions anesthésiés, nous étions endormis comme La Belle au Bois Dormant dans le célèbre conte seulement, le baiser et l’étreinte qui nous avaient été donnés se révélaient narcotiques. Celui qui nous avait ouvert les bras n’avait pas intérêt à ce que la nation se réveille. Je me souviens des mesures qui ont été annoncées par la parole présidentielle, parole sacrée bien entendu. Des mesures contre les délinquants, contre les empêcheurs de tourner en rond de la société protégée qui nous était promise. Si la méthode était liberticide pour ces derniers, nous ne nous en souciions guère. Ces mesures ne nous atteignaient pas, puisqu’elles ne nous privaient pas de liberté. Les effets d’annonce se multipliaient sans que l’on ait quelque instance pour en vérifier la réalisation. La nation semblait fascinée, j’étais fascinée. Je me souviens du temps où il a été décrété que la mendicité serait désormais pénalement condamnable. Pour notre bien, le protecteur allait nous débarrasser des prostitués, des dealers et des clochards. Je n’en revenais pas qu’il mette les sans abris dans la même catégorie que les prostitués et les dealers. La pauvreté immense qui frappait les clochards était criminalisée sans vergogne. Ils étaient responsables de leur misère. Il s’étaient désocialisés pour ne pas avoir à assumer la responsabilité d’une famille, d’une vie de dur labeur. Ils étaient la lie de la société à la charge des honnêtes travailleurs que nous étions. J’étais mal à l’aise en entendant le chef d’Etat invectiver par des mots odieux toute une population. Des mots manipulateurs étaient utilisés pour nous donner à penser qu’il disait tout haut ce que nous pensions. Je refusais qu’il dise de tels mots à ma place. Je n’étais pas d’accord, ce n’était pas ma pensée. Je me souvenais du visage de Marguerite et de celui de Lucien, deux être brisés par la vie que l’enchaînement de circonstances dramatiques avaient conduit à dormir sur un trottoir à deux pas de chez moi. L’hiver je leur portais quelquefois de la soupe. Leur déclassement social n’avait pas eu raison de la dignité de l’un et de l’autre. Ils m’avaient raconté leur histoire, j’en avais été bouleversée. Ils ne se quittaient pas, se sentant protégés l’un par la présence et l’affection de l’autre. Quand ils se regardaient l’un l’autre l’amour et la tendresse qui passaient dans leurs regards n’étaient pas différent de celui des non clochards qui s’aimaient. Je les enviais d’avoir trouvé cet autre à aimer de manière absolue. Ils avaient tout perdu, mais ils avaient réussi à ne pas se perdre. Je ne les reconnaissais absolument pas dans ce portrait caricatural et violent qui était fait par le chef de l’Etat. Le Protecteur ne protégeait pas les plus fragiles de la société, les exclus, les sans abris, il criminalisait leur détresse pour ne pas avoir à se pencher sur leur situation, pour ne pas chercher une solution pour eux. Il les criminalisait utilisant le règne de l’émotion pour nous dire combien leur présence nous était odieuse et dangereuse. Je me souviens que d’anciennes bases militaires avaient été réquisitionnées pour les contraindre à quitter les rues. Ils n’avaient pas le choix, c’était le campement ou la prison. Il était impératif de les rééduquer, leur donner le sens des responsabilités, de leur donner le sens de l’intérêt de la nation qu’ils privaient de leur participation. Ils étaient responsables du manque de réussite de la nation dans la compétition économique que le Protecteur n’avait pas gagnée en quatre ans de présidence et un an avant le scrutin présidetiel suivant. Je savais qu’ils allaient séparer Marguerite et Lucien, car les camps séparaient les hommes des femmes. Je me souviens du regard de Marguerite et de Lucien le jour où la police les a emmenés au campement. Je crois que c’est le regard de Marguerite, les larmes le long se ses joues et la main collée à la vitre du car de police qui m’ont sortie du profond sommeil dans lequel j’étais plongée depuis le soir au Parc des Expositions. Pourquoi et comment m’étais-je laissée endormir par la voix anesthésiante de celui qui se disait mon Protecteur ? Le soir en rentrant chez moi j’étais désemparée, je ne savais plus qui j’étais. Je ne pouvais plus regarder la télévision qui n’était plus que la caisse de résonance des propos du chef suprême des armées et du guide de la nation. Je me suis coupée des informations tant par voie de presse que par les journaux fussent-ils quotidiens ou hebdomadaires. J’avais besoin de me couper de tous ces bruits pour retrouver ma propre pensée, ma propre voie, et ma voix intérieure.
Je commençais alors à réaliser le totalitarisme de la pensée dans lequel la nation était plongée, dans lequel j’avais baigné. Comment avais-je pu ne pas m’en rendre compte avant ? Je ne me sentais pas fière en entendant le bruit que faisait le masque de ma sacro sainte intelligence alors qu’il se fissurait. Mes illusions sur moi-même, sur mon invulnérabilité à la manipulation tombaient à grand fracas. Un soir, en relisant le discours prononcé au Parc des Expositions je ne comprenais pas que je n’aie pas entendu le danger manifeste sous les mots, de n’avoir pas discerné que le candidat que je soutenais appelait davantage à l’émotion qu’à la raison. Ma raison n’était pas engagée avec moi au Parc des Expositions ce soir là. Celle qui répondait aux bras ouverts du Protecteur et à ses mots était la jeune fille qui un soir en rentrant chez elle avait rencontré la violence la plus sauvage sur un terrain vague. Les bras ouverts me promettaient que cela ne m’arriverait plus jamais. Les bras ouverts me promettaient que mes agresseurs subiraient un châtiment à la mesure de l’agression. Le candidat d’alors me promettait que le règne de la peur qui s’était installé depuis dix ans dans ma vie prendrait fin. Il me promettait que je pouvais enfin me délester des kilos superflus qui étaient des boucliers contre le désir des prédateurs nocturnes. Je pourrais redevenir femme, redevenir belle sans peur parce que mon Protecteur veillerait désormais sur moi, et désarmerait les prédateurs. N’avait-il pas explicitement dit que ce type de criminel serait sévèrement puni la loi ? Il allait changer loi, la répression serait terrible avait-il martelé. Ce soir là, devant les promesses de retour à la vie qu’il me faisait j’ai abdiqué toute raison. Dans les bras du Protecteur j’ai été rassurée, quelle importance si ma raison avait quitté les lieux. Dans ses bras je redeviendrais la femme que depuis dix ans j’avais peur d’être.
Au fil du temps le Protecteur, pris dans l’ivresse de son pouvoir incontesté s’était mué en dictateur.
Ce soir, dans mon pays, l’état d’urgence a été décrété suspendant les libertés individuelles pour le bien de tous. Les élections présidentielles ont été reportées sine die, le parlement a été dissous pour cause de sécurité nationale. Le Protecteur a pris ces mesures pour nous protéger d’un danger fantasmatique. Qui protègera la nation de son « Protecteur » ?
Le Protecteur 23 août
Je me souviens comme si c’était hier du soir de son élection. C’était un soir de liesse pour ceux qui comme moi avaient donné leur suffrage au candidat devenu président. Le candidat qui se targuait de parler comme le peuple, de parler un langage accessible à tous, de parler au nom du peuple, des petites gens. Il était celui qui allait parler pour nous et défendre nos intérêts jusqu’à la tribune des nations unies. J’étais dans la salle lorsqu’à la fin de la campagne présidentielle il avait ouvert les bras et dit son désir de nous protéger, de protéger chacun de ses concitoyens. Il parait que c’est ce discours qui a assuré sa confortable élection.
Aussi stupide que ça me paraisse aujourd’hui, je me suis sentie rassurée par ses mots. Je ne réalisais pas alors que je venais de faire un pas essentiel dans la cession à autrui de ma liberté d’être et de faire, de ma liberté de penser.
Ce soir là, au Parc des Expositions, j’étais absorbée dans la ferveur populaire. Par ses mots le candidat, mon candidat redonnait du lustre à mon pays dont la grandeur d’antan était consignée dans les livres d’histoire. Des nations autrefois pauvres ou à la traîne faisaient preuve d’un dynamisme tel qu’il en faisait de redoutables concurrents sur les marchés mondiaux. La redéfinition des positionnements des nations sur la scène internationale, le recul de mon pays dans des domaines dans lesquels nous nous étions habitués à le savoir premier touchait à notre orgueil national et individuel de manière inconsciente. Notre candidat nous promettait de remettre la nation sur la selle et de lui restaurer sa fierté perdue. Pendant qu’il parlait il semblait me révéler des sentiments que je ne savais pas éprouver un intense sentiment d’appartenance à la nation. Oui je voulais que ma nation soit l’une des premières dans le concert des nations. Je voulais que mon pays soit à nouveau le premier dans l’exportation de blé et de maïs. Je voulais que de nouveau comme le promettait le candidat la recherche fasse des découvertes majeures. Oui nous aurions des prix nobel. Le monde serait à nouveau envieux de notre prestige et, comme cinq siècles avant, les jeunes nations s’inspireraient de nous. Je rêvais de voir des philosophes de mon pays se lever pour penser l’homme, pour penser le rapport de l’homme à son environnement et à l’autre. Je rêvais de voir la pensée venue de mes compatriotes influencer les modes de pensée de mes contemporains. Alors que je le regardais, debout sur l’estrade, les bras ouvert pour étreindre la nation j’étais prise d’une intense émotion. D’incontrôlables ondes à ma surprise jaillissaient de mes paupières. J’étais un peu embarrassée de ce débordement visible de mes émotions. Je communiais avec le futur chef de la nation et comme en religion je voulais vivre cette communion avec les autres. Je me souviens du moment où mon regard a croisé celui de mon voisin de gauche, sans un mot, nous nous étions compris. Nos mains se sont trouvées tout naturellement, comme des frères dans la foi adorant ensemble. Communion avec notre inspirateur. Ma voisine de droite pleurait d’émotion, nous avions trouvé notre messie. La ferveur était palpable depuis les plus jeunes jusqu’aux personnes âgées. Les bras ouverts revêtaient forcément une dimension christique et le paraient de la capacité à nous entraîner dans le miraculeux. La personne âgée savait désormais qu’elle ne serait plus agressée chez elle, la mère du collégien savait que celui qui promettait de nous protéger veillerait à ce que son enfant ne soit pas ou plus jamais racketté. Je savais qu’en rentrant le soir je n’aurais plus à avoir peur d’être agressée. Je savais que jamais plus je ne revivrais ce que j’avais subi un soir sur le terrain vague qui menait à mon domicile d’alors. Il était là, sur l’estrade, mon Protecteur, celui que je ne savais pas espérer. En dépit de tout bon sens je le croyais capable d’intervenir dans le moindre aspect de ma vie. J’avais une vision « orwellienne » de son rôle, mais aussi étrange que cela puisse paraître je n’en étais pas oppressée. Mais pour moi ces bras ouverts, même s’ils prenaient l’aspect d’une profusion de caméras qui nous suivaient même dans l’intimité étaient rassurants. Le Grand Frère veillait sur nous. Plus qu’un grand frère il se proposait d’être pour nous un père. Le problème c’est que l’on n’est pas père sans fils et filles, voire sans enfants. Pour qu’il soit notre père, nous devions assumer le rôle d’enfants et l’histoire allait montrer que l’infantilisation atteindrait plus tard des sommets inimaginables alors.
Il se trouve que dans cette salle du Parc des Expositions, j’ai cédé une partie de mes prérogatives au protecteur qui s’offrait à moi et que j’accueillais sans réserve. Je me souviens encore qu’il n’y a pas si longtemps j’étais incapable de contester la plus petite des décisions de celui qui était devenu le chef d’Etat. Je n’aurais jamais cru abdiquer mon sens critique. Je me souviens avoir été longtemps étonnée des personnes qui cédaient au culte de la personnalité de leurs gouvernants. Saddam Hussein, Mussolini, Staline, les chefs d’états de pays sous des régimes dictatoriaux et leurs immenses portraits sur les bords des routes m’apparaissaient jusqu’alors grotesques. Indomptable dans l’âme, je m’étais persuadée que même sous le régime nazi, j’aurais été de ceux qui n’auraient pas plié, pas fléchi le genou devant le dictateur. Comme il est aisé de réécrire l’histoire et de se donner un rôle héroïque. A ma grande surprise, quand je revois le fil de mon histoire récente, je me dis que ce que j’ai vécu aura au moins eu le mérite de relativiser mon rapport à moi-même, à la trop haute opinion que j’avais de moi et de mon sens critique. On n’est jamais totalement à l’abri du risque dictatorial. Cette expérience aura eu le mérite de m’inciter à la vigilance, à la vigilance en ce qui concerne l’indépendance de ma pensée. Je suis par ailleurs devenue moins péremptoire dans mes assertions et moins encline à juger mon prochain. J’ai aujourd’hui davantage d’interrogations que de certitudes. Ca aide à entretenir l’humilité. Je n’ai plus d’autre certitude que celle de croire fermement qu’aucun être humain n’est mandaté pour être mon sauveur omniprésent, omniscient et omnipotent. Je sais aujourd’hui qu’investir un être humain de cette fonction c’est courir les plus grands des risques.
Ah cette soirée place de la révolution, le soir de notre victoire aux élections. Nos visages émerveillés contemplaient notre héros et sa famille sur l’estrade et nous savions qu’une ère nouvelle avait commencé. Nous avions placé à la tête de l’Etat celui que nous attendions. Je me souviens du discours qui appelait au rassemblement des forces vives de la nation. Il promettait que chacun de nous trouverait sa place, sa vraie place dans la nouvelle société qu’il nous promettait de bâtir pour nous. C’est seulement aujourd’hui, comme je réentends dans ma tête les discours d’alors, je réalise que le « Je » primait sur le « nous ». Le « nous » «était plus opportuniste que porteur de partage ou de coresponsabilité.
Cris d’Afrique : ôde à mama Africa après les mots du 26 juillet 2007 à Dakar 18 août
Les mots sont dangereux quand ils sont au service d’une pensée malsaine. Les mots peuvent blesser, violer, avilir, détruire. Je souffre dans ma chair, dans mon africanité des mots qui ont été prononcés à Dakar le 26 Juillet 2007. La colère, la douleur, l’indignation se disputent et les mots viennent à moi pour dire ce que je ressens depuis que j’ai pris connaissance de ce qu’un homme a osé dire, les pieds bien à plat sur une terre qu’il insultait à mots couverts, consciemment ou non, portant par ses mots une vision de l’Afrique qui trouve ses sources dans le regard raciste que portaient des personnes commme Hegel, des théories du dix neuvième siècle dont la violence me demeure indigeste. Des prononcés à l’université Cheikh Anta Diop, un homme dont le travail a mis en lumière ce que l’Afrique avait de richesse et ce qu’elle a apporté à l’humanité par ses richesses sa culture. Il a démontré l’antériorité des civilisations nègres. Dans l’université portant le nom de cet illustre chercheur un discours balaye d’un trait ses recherches et celles de tous les chercheurs africains ou occidentaux qui ont démonté les théories fantaisaistes et haïssables du dix-neuvième siècle. Le discours de Dakar fait comme si le vingtième siècle n’avait pas existé, comme si le 21è siècle n’était pas. Violence de mots sur une terre meurtrie par une histoire récente douloureuse. Viol par mots, viol par l’attitude, viol de la dignité.
Les mots de Dakar m’ont suivie et poursuivie et ont suscité en moi d’autres mots comme ceux d’une fille qui veut consoler sa mère blessée. Les mots d’une enfant d’Afrique qui embrasse sa terre et ses frères et dans la maladresse de ses mots raconte le séïsme de Dakar 2007 et ses espérances pour sa terre. Les mots peuvent blesser, les mots ont blessé ma terre, notre terre. Les mots ont blessé et indigné les fils et les filles de ma terre. J’offre la maladresse de ceux-ci comme des mots qui je l’espère participeront à la guérir.
God bless mama Africa
Du fond de mon exil bien loin de toi Afrique j’ai entendu le cri qui montait de ta terre
Venus en conquérants sans respect et sans tact ils ont parlé de toi sans même te
connaître.
Ils disaient te parler les yeux dans les yeux mais ils te méprisaient avec pleine suffisance.
Ils se disaient venus en amis respectueux ils s’exprimaient en maîtres drapés dans leur dédain .
Et le bruit de leurs pas et le son de leurs voix rappellent à ta mémoire les viols d’autrefois.
Des pas qui résonnaient sur les sentiers d’Afrique pour piller les richesses et soumettre les hommes.
Entends-tu comme moi l’écho de ces théories qui faisaient de tes fils bien moins que des humains ?
Entends tu dans cette voix qui résonne à Dakar le souvenir de toutes celles qui violèrent ta terre ?
Du fond de mon exil c’est le cœur déchiré que j’entends cette voix qui vomit son mépris
Elle l’enrobe de mots qui se disent amicaux pour nier ton histoire, ton droit à la mémoire.
Il y a bien longtemps pourtant c’était hier des gens qui lui ressemblent on fait mal à ma terre.
Au plus profond de moi comme les fils de ta terre je porte cette blessure dans mes soubassements .
Dans leur manque de respect pour la terre d’Afrique ils ont pillé le sol et violé nos croyances, sans le moindre égard pour ce que nous étions, et des cris de douleur sont montés de ta terre.
Et voici qu’à Dakar, à deux pas de Gorée une voix retentit régurgite son dédain
Méconnaissance totale de l’histoire de cette terre insulte à la mémoire de ceux qui sont partis.
Au large de Gorée de la mer monte un chant le souvenir de ceux arrachés à leur terre
La mélopée se mêle à la voix d’aujourd’hui et de la terre d’Afrique monte un cri de colère
Malgré les enseignements qui remontent du passé restés dans une vision aux relents nauséabonds des hommes et des femmes sur ma terre ont marché venus en conquérants comme d’autres avant eux . Ils se sont acharnés à violer ton honneur dans une impunité mêlée de toute puissance Vassale des nations c’est ainsi qu’ils te voient asservie à leurs mots soumise à leurs désirs.
Pour eux tu n’es qu’objet tu n’es pas leur égale tu n’es pas partenaire tu leur es inférieure.
Mépris pour ta culture restreinte dans leurs mots à un simple folklore, à un état d’enfance.
Ils disent te respecter alors qu’ils te proposent de n’être plus toi même si tu veux exister Voici que ton passé dans leurs mots est réduit à des rêveries d’enfant, légendaires utopies.
Tu n’aurais pas d’histoire si l’on en croit leurs dires ni la capacité de forger ton destin. Et voici que j’entends remonter de Gorée le vent qui réunit tous les cris de tes fils.
Hier et aujourd’hui se confondent dans un cri qui mêle à la douleur la rage et la révolte. Le « plus jamais cela » qui monte de Gorée s’empare des étudiants rassemblés à Dakar.
L’écho de leur colère, de leur indignation rejoint la mer au large pour trouver tes enfants.
Ceux du reste de l’Afrique et de la diaspora qui élèvent leur voix pour dire « plus jamais ça ». Plus jamais le mépris et plus jamais les viols, par les mots par les actes ni même par le regard. Plus jamais accepter les pas des prédateurs ne plus courber l’échine se laisser piétiner.
Plus jamais nous plier aux desseins des satrapes complices du mépris dont on abreuve ta terre, pourvu que se remplissent leurs panses jour après jour leurs voix ne sont pas nôtres c’est la voix de leurs ventres.
Un cri s’élève du fond de la terre d’Afrique pour dire qu’après le viol vient la restauration, le temps où la blessée la terre qui nous est chère reçois de ses enfants le baume qui la guérit .
Un cri s’élève d’Afrique et de la diaspora pour dire que notre terre comptera désormais
sur ses fils et ses filles sur ceux qui la respectent pour relever la tête et laver son honneur.
Nous dirons à nos fils, et aux fils de nos fils que tu es digne d’honneur, que tu as une histoire. Un cri s’élève d’Afrique le cri de nos racines qui appelle ses enfants à connaître leur histoire.
De moi la fille d’Afrique qui vit loin de sa terre mais qui porte en son sein la mélodie d’Afrique monte un cri qui appelle ses fils à l’unité rassemblés par le cri qui monte depuis Dakar.
Mon cri et ma prière pour mama Africa est que se lève pour elle une saison nouvelle dans laquelle ses enfants secouant les jougs anciens embrasseront enfin leur destinée d’Afrique.