Cette violence qui me glace

Ce soir, je suis sortie du boulot la dernière, j’avais des choses à terminer avant de partir. Conscience professionnelle quand tu nous tiens n’est-ce pas ? Cool
Je ne sais pas pour vous mais il y a des moments comme ça où les sons semblent amplifiés par le silence. De plus je travaille dans une de ces banlieues qui a fait l’ouverture des journaux télévisés il y a quelques temps pour cause d’embrasement. Ce ne sont pas les endroits qui donneraient envie de quitter le boulot à des heures tardives. Ces endroits incitent à un couvre-feu personnel. Ce soir j’ai dû dépasser le couvre-feu interne et je suis partie la dernière. Je n’étais pas mécontente de ma journée et je suis allée prendre le bus qui devait me conduire à la gare. Voici que j’aperçois de loin le bus que je suis sensée prendre et, à mon grand étonnement, il ne bouge pas. Je m’interdis de me mettre à courir pour le rattraper. Je n’ai pas spécialement envie d’un face à face avec le trottoir ce soir. Il est salutaire de différer certains moments d’intimité n’est-ce pas ?Clin doeil Je prends mon temps et le bus ne bouge pas. Arrivée à l’arrêt de bus, il y a du monde sur le trottoir et en fait de bus, il y en a deux et le second est presque vide. Pas normal. Pas dans cette banlieue ! La fréquentation quotidienne de ce bus est un démenti du propos selon lequel les franciliens ne seraient pas proches les uns des autres. Rire Dans ce bus la proximité est de rigueur si vous voyez ce que je veux dire. Bref deux bus en même temps à l’arrêt près de mon boulot, à l’heure où j’en ai besoin dont un presque vide, c’est aussi inattendu que la mutation visible aux yeux nus d’un gène. Bon avec le temps vous réaliserez que je n’ai pas, mais pas du tout le sens de l’exagération. Mutation génétique visible à l’œil nu… et quoi d’autre ? Bref revenons à notre bus.

 

Alors que je m’approche du bus et que le monde sur le trottoir m’alerte, la boîte à contrariétés sous mon crâne se met en marche. Je m’imagine comme quelques soirs laisser passer quelques bus pour être sûre de respirer aisément, ou alors de faire un trajet des plus déplaisants. Alors que j’approchais du bus, j’ai réalisé que la situation était plus grave qu’un retard de bus. Dans le bus il y avait un épouvantable déchaînement de violence. C’était absolument insoutenable. Des jeunes gens qui en frappaient un autre avec sauvagerie, et un chauffeur de bus qui mettant sa vie en danger qui s’interposait prenant des coups terribles pour être un paravent pour ce jeune homme. Quand on est face à l’insoutenable, le temps semble tourner au ralenti. Heureusement pour moi je n’ai assisté qu’à la fin de cette débauche de sauvagerie. Ce n’est que plus tard que deux jeunes femmes qui avaient assisté à toute la scène m’ont raconté ce qu’elles ont vu. Elles ont vu un groupe de jeunes gens (je serais surprise que le plus vieux ait plus de vingt ans) qui à l’arrêt du bus se sont précipités dans le bus forçant l’ouverture à coups de batte de base-ball. Je n’ai heureusement pas vécu cet épisode terrifiant.

 

Les jeunes gens sont descendus du bus, ils étaient déchaînés et s’excitaient les uns les autres dans la violence et j’avoue que mon cœur était glacé. Avez-vous remarqué que quand ils sont en bande les jeunes gens sont quelquefois incontrôlables ? La violence sauvage a sur moi un effet terrible. Elle m’oppresse. Ce soir j’ai ressenti cette oppression et une incroyable impuissance face à des jeunes gens à peine sortis de l’adolescence déchaînés. Ecrire est pour moi une manière de résister à la peur rétrospective, prendre de la distance pour faire fondre la glace autour du cœur. Il ne m’est rien arrivé mais juste à côté de moi la violence a explosé. La police qui avait été appelée est venue sur les lieux. Les jeunes gens ont passé de la bravade à la débandade et quand le bus a enfin pu partir, j’ai vu ces jeunes gens à peine sortis de l’enfance menottes aux poignets. Triste visage d’une certaine jeunesse n’est-ce pas ? Des jeunes gens qui n’ont aucune gêne à troubler la quiétude d’un autobus dans lequel des femmes, des enfants et des hommes rentrent du travail, de l’école ou d’ailleurs et aspirent à la tranquilité après une journée bien remplie. Plus ils intimident les passagers glacés par la peur et par cette violence inexplicable, plus ils ont un sentiment d’impunité, voire de toute puissance. Eux, des jeunes gens à peine sortis de l’enfance qui prennent en otage par la violence des personnes qui n’ont rien à voir avec eux. Personne parmi les passagers n’a été blessé, hormis le malheureux jeune homme cible d’un règlement de compte apparent amis aux racines inexplicable.

 

Dans le bus qui m’emmenait vers « home » plus « sweet » que jamais, refuge, endroit dans lequel, la porte fermée je suis tranquille, j’avais les larmes aux yeux parce que cette scène pénible qui n’était qu’un fait divers de plus mettait sous mes yeux la réalité d’une jeunesse de plus en plus nombreuse faite de jeunes gens en rupture avec les codes de socialisation de base. Une jeunesse qui vit le quotidien, posant des actes susceptibles d’hypothéquer leur avenir sans aucune retenue. Une jeunesse en déshérence et ce visage d’une certaine jeunesse en France m’attriste profondément. Une jeunesse qui porte la semence des adultes de demain. Ca me fait peur ce soir. Comme souvent je n’ai pas de préconisations ni de solutions, mais ce soir j’ai froid au cœur et mal à l’espérance. Il y a des jours comme ça qui font passer comme des nuages sur les perspectives d’avenir.

 

Ce n’est pas un coup de gueule, même si ça pouvait l’être, mais juste un coup de blues face à une panne momentanée de l’espérance.

 

 

 

Bonne soirée à tous !

 

Ps : je ne voudrais pas vous quitter sur cette note de violence mais vous faire un cadeau virtuel. Quelques fleurs pour adoucir ce récit visiblement pessimiste. Comme disait Scarlett O’Hara « Tommorrow will be another day » (demain sera un autre jour)

 

 

bouquetblanc.jpg

 



13 commentaires

  1. envolée sauvage 25 janvier

    je ne sais plus quoi dire !! je viens de lire ton article et j’ai « vu » la scène !! ils arrivent parfois à de telles violences qu’on se demande si c’est vraiment eux qui sont là ou une espèce de puissance malfaisante qui les pousse à cogner, parfois jusqu’à la mort !!!!!
    j’aurais été tremblante à ta place !! mais pourquoi donc cette haine ? pourquoi cet acharnement à tabasser systématiquement ? qu’ont ils gagné ? un tour au commissariat ? une nuit au poste ? un casier judiciaire qui sera rempli de cette bravade qui les bloquera pour leur futur boulot !!! c’est tout ce qu’ils auront gagné !!
    je ne comprends plus rien au monde actuel !!!!
    je te comprends Malaïka, et soit tu rentres plus tot, soit tu vas au boulot en voiture !!! il faut arriver à se protéger d’une façon comme d’une autre !!
    Essaie de ne plus y penser et je te souhaite une très bonne nuit, bien reposante !!!
    gros bisoussssssssssssssss

  2. Malaïka 25 janvier

    Merci Envolée de ton message. La soirée a été dure. Ca m’a fait du bien de laisser parler mon clavier (pas mon stylo). Moi j’ai pu me séparer des maux de l’âme par les mots. Et les autres dans ce bus ? Et ceux qui au quotidien vivent ça dans le silence ? Rentrer tard du boulot ? Je pense que j’en ai fini avec ça, quitte à m’envoyer par e mail le boulot à finir chez moi. Je t’embrasse et te remercie pour ton message. Ca me fait du bien. Très bonne nuit !

  3. binicaise 25 janvier

    Je comprends ton émotion, on ne s’habitue pas à la violence sans raison. Où sont les racines de ce mal qui dévore la jeunesse, la pauvreté, un manque d’éducation, le désespoir de ne pas voir d’avenir.
    J’ai quitté la banlieue depuis 10 ans, la situation n’était pas toujours claire, , mais je crois que la violence augmente.
    Oublie si tu le peux cette soirée trop mouvementée et évite de rentrer trop tard, « la nuit tous les chats sont gris » dit on chez moi.
    Tu as une facilité pour écrire qui m’étonnera toujours
    Bonne nuit Malaika. Jacqueline

    Dernière publication sur Binicaise : Blog en pause pour une durée indéterminée.

  4. binicaise 25 janvier

    Je viens de laisser un message et il n’apparait pas, étrange.
    Bon et bien tant pis je n’ai plus l’inspiration pour le refaire.
    Essaie d’oublier ta soirée trop mouvementée, la violence est inexplicable et le remède la prison le cas échéant est pire que le mal.
    bonne nuit bisous Jacqueline

    Dernière publication sur Binicaise : Blog en pause pour une durée indéterminée.

  5. helran 25 janvier

    Je ne sais pas quoi dire non plus. Et ça me choque tout autant que toi. Et je te soutiens.

  6. Malaïka 25 janvier

    Bonsoir Jacqueline, bonsoir Helran,
    Merci pour vos messages d’amitié et de soutien. Ca m’a fait du bien de m’épancher ici et de laisser parler mon âme traumatisée par ce déchaînement de violence. Merci à vous de me permettre de raconter cette mésaventure et de la recevoir.
    Leçon n° 1 : rentrer tard on oublie promis Jacqueline :)
    Merci aussi Jacqueline pour tes encouragements sur mon écriture.

    Bises à toutes les deux et très bonne nuit.

  7. Prunier 25 janvier

    Je découvre ton article et je m’imagine ton malaise, heureusement pour toi, l’écriture est une sorte d’exutoire et cela te fait du bien.
    Tu (j’ai passé au Tu sans m’en rendre compte, j’espère que tu ne m’en voudras pas)J’habite en banlieue et voici quelques semaines un drame a eu lieu dans un collège, c’étaient des gamins et cela a bouleverser la ville entière, sauf certains jeunes, moi non plus je ne comprends pas comment des enfants peuvent en arriver là….Bon courage et
    ayons encore de l’espoir. Bonne journée. Amicalement.
    Gibi

  8. Malaïka 25 janvier

    Merci Gibi pour ton message.
    Adoptons le « tu » ça me va ne t’inquiète pas.
    Je me souviens de ce drame dans le collège. Enfin si nous parlons du petit qui a été tué. Ca m’a glacée et perturbée, même si je n’étais pas dans la ville.
    C’est vrai que l’écriture est un exutoire précieux pour laisser sortir ce type de poison.

    Amitiés à toi et à bientôt

    Malaïka

  9. Fabrice 25 janvier

    Bonsoir Malaïka,

    Dieu merci, tu n’as rien! De la frayeur, de la peur, j’imagine…

    Nous avons chère Malaïka, nous la France, nous avons pointé du doigt avec raison mais aussi ironie, il y a 25 ans déjà, le Bronx de New York et ce quartier spécifique américain, en zone de non droit!
    L’effet boomerang de cette moquerie est arrivé dans nos cités beaucoup plus vite qu’on l’eut imaginé.
    La France a construit dans les années 60, à toute vitesse des  »barres » de milliers de logements H.L.M. pour  »accueillir » entre autre les travailleurs du nord de l’Afrique.
    Avec une intégration inexistante, ces hommes et ces femmes, puis leurs enfants et petits enfants ce jour ont du afronter la vexation, le racisme, le chômage,l’oubli, la pauvreté, la haine, la misère et j’en passe.

    Ces petits enfants d’immigrés ne sont en aucun cas excusables de leurs faits et gestes, mais sont-ils responsables à 100% de leurs violences et de leurs actes désespérés?
    J’essaie de comprendre, d’imaginer à quoi rêvent ces ados, à peine sortis de leur enfance volée et méprisée? Comment voient-ils leur avenir? Avec qui? Dans quelle société? Ils n’ont aucune réponse à ces questions!
    Je comprends tout aussi l’écoeurement ou la peur des familles qui vivent au coeur de ces problèmes!
    Ma chère Malaïka, je comprends ce que tu ressens, ce que tu vis en travaillant dans ces cités. Mais je sais aussi que tu n’en veux pas à ces gamins, je sais que ta culture, ta vive intelligence savent faire la part des choses. Ces gosses au fond sont, sans doute, individuellement, d’adorables enfants.
    Un peu d’amour, de compréhension, d’écoute, de tendresse et d’attention à leur égard changeraient peut-être ce comportement puéril agressif.
    Je n’ai pas le sentiment ni la conviction que le petit homme politique qui veut annexer la France aux USA dans de nombreux domaines, a, adopté une attitude responsable en provoquant ces jeunes l’hiver 2005. Ses propos ont en effet ensemencés un plus de haine et de violence.
    Garde confiance ma chère Malaïka, j’ai espoir que le prochain président de la France saura faire une prorité pour résoudre ces problèmes de banlieues, problèmes ignorés pendant trois décennies.
    Bonne soirée Malaïka .
    Je t’embrasse très fort

  10. Malaïka 25 janvier

    Bonsoir Cher Fabrice,

    Merci pour cette intervention que je trouve pertinente. Cette fois ci c’est toi qui démontre avec brio tes talents d’avocat :) .
    Je pense que si ces enfants entendaient tes propos ils seraient heureux. Aujourd’hui je vais mieux qu’hier heureusement. Hier j’étais sous le choc de ce déchainement de violence et des adultes potentiellement en déshérence que portent ces enfants en germe. Il y a c’est vrai des situations qui mettent mon espérance en berne parce que je ressens d’autant plus fortement l’impuissance à changer les choses. Parfois je regarde certains jeunes et me demande comment on pourrait encore les socialiser. Ils sont exclus par la non maîtrise des codes sociaux, du langage, des attendus de base pour accéder à un amploi. Et l’exclusion engendre l’exclusion qui engendre la violence. Un cercle vicieux. Pris isolément ils sont probablement des personnes sensibles mais la tristesse qui m’a étreinte au delà de la violence qui m’a ébranlée a été de voir ces jeunes menottes aux poignets et je me disais que s’ils étaient mis en prison au contact de personnes compètement désocialisées, ils allaient être pire.
    Quelles réponses la société peut-elle concrètement apporter pour leur ouvrir une porte vers une socialisation ? En même temps comment rassurer et protéger les populations harcelées par cette violence ? Moi je travaille dans une ville située en ZUS. Eux y vivent…
    Cette violence non maîtrisée ouvre la porte aux votes extrêmes d’autant plus que des paroles irrespionsables du monde médiatico politique les confortent. Je crois que c’est toutes ces choses qui ont axphyxié mon espérance hier. Mais je relève la tête.

    Il est évident que la manière dont a été organisée le logement dans les grandes villes portait en son sein les problèmes des banlieues d’aujourd’hui. Une réflexion en matière d’urbanisme et de sociologie urbaine aurait pu éviter ces dérives en mettant en place une politique de mixité sociale. Maintenant que faire ? Il y a la réalité de l’échec d’une certaine répartition géographique des hommes, mettant à la périphérie des villes les populations fragiles. Mais que faire aujourd’hui ?
    Il est urgent que les pouvoirs publics se penchent sur ces problèmes. Il me semble que le tout répressif est une erreur, le tout laxiste aussi. Il est important que l’on aide ces jeunes à construire le sens des responsabilité.
    Pour toi qui es un connaisseur en architecture, comment a t-on pu penser que l’architecture de certaines cités ne serait pas un jour intolérable ?

    Merci à toi pour la sensibilité de ton approche qui ouvre à une réflexion interessante et qui me donne de me dire que tout n’est pas perdu.
    Je t’embrasse

  11. tchitchi 13 septembre

    Terrible!
    La violence me glace le sang moi aussi…Elle n’est jamais justifiée, on aura beaucoup lui trouver une genèse, on ne lui trouvera jamais une excuse…

  12. Jean-Marie 8 avril

    Ce que vous arrivez à finalement évoquer après moultes tournures et lourdeurs sans intérêt est le reflet du quotidien pour de nombreux français qui finissent, un beau jour, par glisser un bulletin FN dans l’urne.

  13. Malaïka 8 avril

    Bonsoir Jean-Marie,
    Je ne relèverai pas l’élégance de l’expression « moultes tournures et lourdeurs sans intérêt « .
    Cette violence est le quotidien de bien des français qui en réponse votent FN. Elle est aussi le quotidien de toute personne vivant en France ou ailleurs au coeur de la violence urbaine. Je ne me fais ni ne me prétends porte parole de personne je livre mes impressions et mon analyse sur un événement qui m’a choquée.
    Merci pour avoir pris le temps de lire et bonne soirée à vous.

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